Mieux vivre à la retraite : une initiative ruineuse pour la Suisse

Par Simone de Montmollin, Conseillère nationale

L’initiative populaire « Mieux vivre à la retraite » (pour une 13e rente AVS) prévoit d’octroyer une 13e rente de l’AVS à tous les retraités. Simone de Montmollin, Conseillère nationale, nous explique les raisons pour lesquelles cette initiative est une hérésie et aggraverait considérablement les finances publiques. Il convient de la rejeter.

La réforme AVS21 approuvée à une très faible majorité du peuple est entrée en vigueur au 1er janvier 2024. L’âge de référence des femmes sera progressivement harmonisé à 65 ans afin de tenir compte du vieillissement de la population et de ramener à l’équilibre les comptes de l’AVS jusqu’en 2030. En effet, les nouvelles recettes dégagées dès 2020 grâce à RFFA puis AVS21 ne suffiront pas à combler le déficit structurel du 1er pilier. Le Conseil fédéral devra présenter de nouvelles propositions au Parlement d’ici à 2026.

Parallèlement aux travaux parlementaires qui ont conduit au vote populaire sur AVS21, l’Union Syndicale Suisse lançait son initiative pour une 13e rente. D’un côté, la majorité du Parlement prenait ses responsabilités en proposant un compromis pour maintenir l’AVS à flot grâce à de nouvelles recettes, de l’autre le PS soutenait déjà de nouvelles dépenses…

Depuis lors, le monde est en proie à une succession de crises et un climat inflationniste. La Suisse y a bien résisté en comparaison internationale, grâce à une gestion monétaire et financière rigoureuse, non sans avoir dû considérablement augmenter ses charges.

Pour une partie de la population, et en particulier certains de nos aînés, la situation s’est péjorée et ne doit pas être sous-estimée, au contraire. Mais il faut lutter contre cette forme de précarité avec les outils ciblés prévus à cet effet.

Les dépenses de l’AVS augmentent de manière surproportionnelle en raison de la démographie, et vont fortement aggraver les finances publiques ces prochaines années.

LE 1ER PILIER N’EST PAS UNIQUEMENT COMPOSÉ DE LA RENTE, IL INCLUT DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES (PC).

Rente et PC sont destinées à garantir ensemble la couverture des besoins essentiels de tous les bénéficiaires de l'AVS et de l'AI. Ces PC ont été pensées comme partie intégrante du 1er pilier et ne sont donc pas de l'aide sociale. Environ 12,5 % des bénéficiaires AVS y ont accès et ce taux reste stable. Garantir le déploiement correct des PC doit être prioritaire et facilité.

Utiliser le caractère redistributif de l’AVS pour octroyer une nouvelle rente à tous, sans distinction des besoins, fait plus de tort à celles et ceux que les initiants prétendent vouloir aider.

LA 13E RENTE N’AMÉLIORERA QUE TRÈS MARGINALEMENT LA SITUATION DES RENTIERS MODESTES MAIS FAVORISERA LES BÉNÉFICIAIRES DE RENTE DÉJÀ ÉLEVÉE !

Puisque le supplément dépend des rentes, les bénéficiaires qui n’ont pas besoins de PC, et sont donc déjà au bénéfice de rentes plus élevées, profiteront d’une 13e rente proportionnellement plus élevée que celles et ceux ayant une petite rente AVS ! Un paradoxe dont les initiants ne se vantent pas.

UNE NOUVELLE CHARGE HORS DE PORTÉE POUR LA CONFÉDÉRATION

Les dépenses de l’AVS augmentent de manière surproportionnelle en raison de la démographie, et vont fortement aggraver les finances publiques ces prochaines années, plongeant durablement le budget de la Confédération dans les chiffres rouges.

L’accomplissement des tâches régaliennes imposées à l’État fédéral ne pourra se faire qu’au prix de renoncements dans le secteur des tâches non liées (formation, recherche, innovation, armée, agriculture, coopération internationale). Cet arbitrage douloureux a déjà commencé. Assurer une nouvelle dépense de plus de CHF 4 mia par an ne pourra donc pas se faire sans recours à un nouveau financement,en augmentant les cotisations salariales ou l’impôt.

La 13e rente coûterait CHF 4,1 mia dès 2026, dont 20,2 % à la charge du budget de la Confédération (CHF 800 mio/an), et CHF 3,3 mia/an à financer par les cotisations ou l'impôt (soit +1 % TVA).

Des augmentations d’impôts très dommageables pour les entreprises, les petits entrepreneurs (coiffure…) mais également les bénéficiaires de l’AVS !

QUI AUJOURD’HUI VOUDRAIT PARIER SUR L’ACCEPTATION D’UN NOUVEL IMPÔT ?

Faut-il augmenter la TVA dès 2026, ce qui aura un impact sur toute la population y compris sur les rentiers que l’initiative cherche à aider ?

Faut-il ponctionner les particuliers ? Alors que le pouvoir d’achat est à la peine en raison de l’inflation, ajouter une charge fiscale supplémentaire péjorerait encore plus les jeunes, les familles et la classe moyenne.

Viser les entreprises ? Là également, l’augmentation des coûts réduit leur marge de manœuvre et leur capacité à maintenir leur rentabilité.

L’octroi d’une 13e rente à tous les bénéficiaires de l’AVS, indépendamment de leur fortune et de leur capacité financière est une hérésie.

Le populisme de gauche comme de certains mouvements se réclamant de droite est non seulement dangereux pour notre stabilité et notre cohésion mais également profondément inéquitable pour les jeunes générations sur qui ce coût pèsera durablement.

Faire croire que glisser un oui, est une preuve de solidarité est assez inique de la part de l’USS. C’est ruiner les efforts demandés aux femmes avec AVS21 et faire payer aux travailleurs y compris modestes le prix fort pour augmenter le budget d’une écrasante majorité d’aînés qui en ont le moins besoin.

Une chose est sûre, l’octroi de cette 13e rente diminuera le pouvoir d'achat des familles et précipitera la nécessaire décision d'augmenter l'âge de référence.