Une vue d'ensemble des élections fédérales du 22 octobre 2023

Par Mohamed Atiek

Lorsque nous examinons les résultats des élections du 22 octobre 2023 en Suisse, plusieurs tendances et dynamiques politiques émergent, dessinant un paysage en constante évolution. Mohamed Atiek, Vice-Président du PLR Genève, nous présente ici une analyse de ces résultats ainsi que des pistes d’avenir pour notre parti.

TENDANCES FÉDÉRALES : L'HÉGÉMONIE DE L'UDC ET LA DÉFAITE DES PARTIS ÉCOLOGISTES

Au niveau national, l'Union démocratique du centre (UDC) s’est à nouveau imposée sans conteste comme le grand vainqueur de ces élections en obtenant 27,9 % des suffrages, consolidant ainsi sa position dominante en tant que premier parti de Suisse. L'instabilité géopolitique a permis à l'UDC de remettre au premier plan son thème fétiche, l'immigration.

Cependant, il est important de noter que ces élections ont également mis en évidence la défaite des partis écologistes, à savoir les Verts et les Vert'Libéraux. Cette tendance s'inscrit dans une dynamique plus large qui reflète les difficultés rencontrées par les partis écologistes en Europe.

Effectivement, si cette évolution peut paraître paradoxale au vu du message récurrent sur l'urgence climatique martelé par les écologistes, il semble toutefois que les préoccupations économiques, telles que le pouvoir d’achat ou encore « la fin du mois avant la fin du monde », ont pris le pas sur les questions environnementales dans l'esprit de l'électorat suisse. L'urgence climatique semble avoir été reléguée au second plan, malgré la multiplication des événements climatiques extrêmes. Il est également probable que les partis écologistes aient souffert des actions de leurs militants radicaux. Ces actions ont parfois suscité la colère de la population.

Le Parti Libéral-Radical (PLR), quant à lui, conserve péniblement sa troisième place avec 14,3 % des voix, légèrement devant le Centre avec 14,1 % de l'électorat, bien que derrière l'ex-Parti Démocrate-Chrétien (PDC) en nombre de sièges. Alors que les coûts de la santé font partie des thématiques prioritaires de la population, la proposition d'assurance maladie low cost semble avoir été mal comprise et mal accueillie par la population, et ce malgré l'annonce d'une augmentation record des primes d'assurance maladie en période d'inflation. Le PLR est perçu comme étant le parti des lobbies des assurances.

Cette perception a rendu cette proposition peu crédible. Pire, elle a donné le sentiment que pour baisser les primes, il fallait affaiblir l’assurance maladie et potentiellement créer une classe de citoyens de seconde zone n’ayant pas accès aux mêmes prestations médicales. L’effort à accomplir était donc du côté de l’assuré qui se sent déjà essoré.

Ces résultats au Conseil national reflètent la grande volatilité des sièges au sein de la députation genevoise à la Chambre basse.

CONSEIL NATIONAL : UNE VOLATILITÉ DES SIÈGES TRÈS IMPORTANTE À GENÈVE

Au niveau du Conseil national, des changements notables ont également été observés à Genève. Le retour du Mouvement Citoyens Genevois (MCG) est à souligner, tandis que les Vert'Libéraux ont perdu leur unique siège acquis en 2019. Ensemble à Gauche, après avoir été évincé de la députation genevoise en raison de son morcellement, est aujourd'hui écarté du Conseil national. Les Verts ont perdu un siège au profit du Parti Socialiste (PS) qui a su placer au centre de son programme les préoccupations sociales, notamment le pouvoir d'achat et la question des primes d'assurance maladie.

Ces résultats au Conseil national reflètent la grande volatilité des sièges au sein de la députation genevoise à la Chambre basse. En effet, dans un système proportionnel comprenant seulement douze sièges, la « prime au sortant » est relative, et l'importance des apparentements est cruciale. C'est grâce à ces apparentements que les Verts'Libéraux avaient pu obtenir leur siège en 2019. Aujourd'hui, sans apparentement, le parti écologiste du centre gauche peine à conserver son siège malgré la notoriété certaine de Michel Matter, Président de l'Association des médecins de Genève.

Le MCG profite largement des apparentements de l'alliance de droite en récupérant son siège perdu en 2019 et en en gagnant un de plus au passage. L'apparentement combiné à la notoriété de Mauro Poggia, renforcée par sa visibilité pendant la pandémie de Covid- 19, a conduit à une progression fulgurante du MCG.

Parmi les faits saillants de ces élections au Conseil national, on peut noter l'élection d'Estelle Revaz (PS), une nouvelle venue en politique, alors que beaucoup d'observateurs s'attendaient à l'élection de Sami Kanaan, Conseiller administratif socialiste en Ville de Genève. Du côté des Verts, Isabelle Pasquier a été éjectée de la députation.

Au PLR, il convient de noter que Simone de Montmollin a été la mieux élue du canton, avec à ses côtés Cyril Aellen qui récupère le siège de Christian Lüscher. Enfin, à l'UDC, Charles Poncet récupère le siège de Thomas Bläsi, sortant, certes depuis seulement six mois, mais qui a acquis de la visibilité durant cette période, terminant à la 3e place sur sa liste.

Si l'alliance n'a pas profité cette fois-ci au PLR, elle a au moins montré au MCG et à l'UDC que le PLR tient ses engagements. Par ailleurs, pour qu'une alliance fonctionne sur le long terme, il semble nécessaire que la chance tourne. Il était donc temps que le MCG et l'UDC profitent aussi de cette alliance, après que le PLR et le Centre en aient profité lors des élections cantonales au printemps 2023.

CONSEIL DES ÉTATS : PERSPECTIVES D’UNE BATAILLE DÉCISIVE POUR LE SECOND TOUR

Le premier tour des élections au Conseil des États a réservé des surprises, notamment avec la performance impressionnante de Mauro Poggia (MCG), ancien conseiller d'État, qui a obtenu 35,2 % des voix. Il était suivi de près par Lisa Mazzone (Verts) et Carlo Sommaruga (PS), tous deux obtenant plus de 34 % des voix. Céline Amaudruz (UDC) est arrivée en quatrième position avec 25,8 %, tandis que Simone de Montmollin (PLR) a atteint la cinquième place avec 18,2 %. Vincent Maître (Centre) a obtenu 14,4 % des suffrages, et Michel Matter (Vert’Libéraux) 11,6 %.

Les candidats de l'extrême gauche ont respectivement obtenu moins de 2 % et un peu plus de 3 % des voix.

Le premier tour au Conseil des États a mis en évidence la fragmentation de la droite genevoise, qui regroupait quatre partis allant du Centre au MCG en passant par le PLR et l'UDC. Chacun des partis présentait des candidats compétents pour le poste de Conseiller aux États. La percée de Mauro Poggia est particulièrement notable, illustrant sa forte base d'électeurs et sa popularité transpartisane.

Le deuxième tour au Conseil des États s'annonce comme une bataille décisive, avec une compétition féroce entre la gauche unie et la droite, incarnée par Mauro Poggia et Céline Amaudruz. Les électeurs des Vert'Libéraux pourraient également influencer les résultats, créant une incertitude sur l'issue de l’élection. Par ailleurs, la gauche semble avoir peu de marge de progression, avec un réservoir de voix relativement faible, notamment une partie de celles de Michel Matter (11 %) et celles de l'extrême gauche (5 %). La droite, quant à elle, dispose du réservoir de voix du PLR (18 %), du Centre (14 %) ainsi que d'une partie du réservoir des voix des Verts'Libéraux (11 %). Si la droite venait à voter d’une manière aussi compacte que la gauche, il serait possible de déloger les deux candidats sortants. Reste encore à la droite souverainiste de convaincre les électeurs de la droite libérale et du centre, ce qui est une autre paire de manches.

En somme, ces élections ont bouleversé le paysage politique genevois, avec un deuxième tour au Conseil des États qui promet d'être l'une des compétitions les plus âprement disputées depuis un long moment.

Le premier tour au Conseil des États a mis en évidence la fragmentation de la droite genevoise, qui regroupait quatre partis allant du Centre au MCG, en passant par le PLR et l'UDC.

Trois femmes et trois hommes, tous indiscutablement compétents, ont fièrement représenté les couleurs du PLR. Il est rare, toutes tendances politiques confondues, de disposer d'une liste d'une telle qualité.

QUID DU PLR GENÈVE ?

Il convient de souligner ici la valeur exceptionnelle de la liste du PLR au Conseil national. Trois femmes et trois hommes, tous indiscutablement compétents, ont fièrement représenté les couleurs du PLR. Il est rare, toutes tendances politiques confondues, de disposer d'une liste d'une telle qualité.

Toutefois, dans un système proportionnel avec seulement douze sièges disponibles, la valeur des candidats ne suffit guère à garantir l'élection et la proportionnelle peut se révéler impitoyable. Dès lors, avant de convaincre la population avec des candidats de qualité, il convient pour le parti de proposer des solutions convaincantes aux problèmes concrets qui préoccupent les citoyens au moment des élections. Lors de ces élections, les thèmes de l'assurance maladie, du pouvoir d'achat et de l'immigration se sont imposés, en raison de la conjoncture économique particulièrement difficile, de l'annonce d'une augmentation inédite des primes d'assurance maladie en période d'inflation ainsi que d’une situation géopolitique instable.

Force est de constater que le PLR n'a pas réussi à présenter des solutions convaincantes dans ces domaines. Lorsque les citoyens s'inquiètent de leur pouvoir d'achat, le PLR répond en proposant une imposition individuelle des personnes physiques. Pour les préoccupations concernant les hausses des primes d'assurance maladie, le PLR avance l'idée d'une assurance low cost. En ce qui concerne les inquiétudes concernant l'immigration et la sécurité, le PLR propose une approche « ferme mais juste ». Bien que ces positions puissent être perçues comme nuancées et responsables, elles semblent ne pas être suffisamment tranchantes pour la population.

Le PLR ne peut plus se contenter, sous prétexte de responsabilité, de demander à la population de travailler plus longtemps pour gagner moins tout en lui demandant d’épargner davantage et de réduire ses dépenses. Le PLR ne peut plus se limiter, sous couvert de la solidarité, de demander aux femmes de travailler plus longtemps tout en pénalisant le pouvoir d’achat de l'ensemble de la population par le biais de l'augmentation de la TVA. Bien que ces décisions puissent être motivées par des raisons structurelles ou conjoncturelles, elles ne peuvent constituer le seul bilan significatif du PLR, avec la fusion de Crédit Suisse et d’UBS. Ces éléments ne suscitent guère l'enthousiasme des citoyens et réduisent le PLR à un simple parti de gestionnaire rigoureux des affaires de l’État.

En conclusion, si le PLR ne souhaite pas sacrifier l'honnêteté en proposant des solutions simplistes à des problèmes complexes, il doit au moins montrer qu'il est un moteur de projets d'envergure visant à améliorer la qualité de vie des citoyens. Le PLR doit être le leader qui montre la voie pour répondre aux grands défis qui nous attendent. Cela pourrait contribuer à un avenir meilleur pour la Suisse, et à plus forte raison Genève, plutôt que de se cantonner au rôle de gestionnaire rigoureux des affaires de l'État.

Il convient pour le parti de proposer des solutions convaincantes aux problèmes concrets qui préoccupent les citoyens au moment des élections.