Défendons Genève et son histoire

Alors que le Parlement fédéral vient d'entamer ses travaux sur l'initiative dite d'autodétermination, il n'y a pas une seconde à perdre pour organiser la résistance face à cette nouvelle et très grave lubie nationaliste. En bref, l'initiative vise à établir la primauté du droit suisse sur le droit international et à dénoncer les traités internationaux qui seraient contraires à la constitution. Au-delà de son caractère rétrograde et des dangers qu'elle comporte, cette initiative est une atteinte aux fondements et à l'identité même de la Suisse, et tout particulièrement de Genève. 

Le peuple ne se prononcera probablement qu'en 2019 mais l'attaque en bonne et due forme de l'UDC contre le droit international promet un débat mouvementé et hautement émotionnel. En opposant le droit suisse aux         « juges étrangers » dans leur intitulé, les initiants ont d'ores et déjà fait le choix de la manipulation. Plutôt que de leur laisser dicter les termes de cet enjeu déterminant pour la Suisse, son avenir et sa place dans le monde, il convient de souligner dès maintenant les faiblesses et les risques de la démarche et de se rassembler largement contre cette nouvelle tentative d'isolement de notre pays.

Le droit international n'est pas une contrainte imposée de l'extérieur. Au contraire, comme un contrat entre deux personnes, il résulte du consentement des Etats et leur permet notamment de traiter sur un pied d'égalité. En tant que petit pays fortement dépendant des échanges avec l'extérieur, le droit international est essentiel pour la Suisse. Grâce à ce cadre législatif, la Suisse peut exister sur la carte mondiale et défendre ses intérêts. Parmi les 5000 accords internationaux auxquels notre pays est lié, 600 l'engagent sur le plan économique et lui garantissent la possibilité de faire valoir ses droits commerciaux en toute circonstance. L'ensemble de ces traités seraient de facto remis en question par l'initiative d'autodétermination, relayant ainsi la Suisse au rang de paria d'une communauté internationale dont la légitimité contribue pourtant à notre indépendance et à notre stabilité.

Outre ces considérations purement pragmatiques, comment la Suisse pourrait-elle se distancer d'un droit auquel son histoire est étroitement liée et qui, aujourd'hui encore, fait sa fierté et son rayonnement à travers le monde ? En tant qu'initiateur et acteur du développement du droit international, le canton de Genève ne peut voir en ces manœuvres que la négation de son identité. Le droit humanitaire, qui chaque jour permet de sauver des vies en zones de conflit, remonte à l'action d'Henri Dunant et à la création du Comité international de la Croix-Rouge. En 1864 déjà, la première convention de Genève sur les conflits interétatiques voyait le jour. Rappelons également que la présence de 35 organisations internationales sur notre territoire, auxquelles s'ajoutent quelque 250 organisations non gouvernementales, sont une carte maîtresse pour la Suisse et lui donnent une importance et une influence sans commune mesure avec sa taille. 

En prétendant renforcer la souveraineté et l'indépendance de la Suisse, l'initiative d'autodétermination détruit précisément ce qui fait sa spécificité et sa force. En d'autres mots, si nous aimons la Suisse et la comprenons telle qu'elle est au 21ème siècle, si nous sommes patriotes et fiers de notre histoire, alors luttons contre cette initiative et rassemblons nos énergies pour expliquer et convaincre en vue de la votation populaire.