Être protégé pour être libre

Chaque fois, dans une démocratie attachée au Droit, que sont proposées des mesures policières impliquant des restrictions de liberté, il y a lieu de réfléchir. On ne doit pas imaginer un pays où tout le monde marcherait au pas de l’oie. Puissions-nous ne jamais ressembler à la Chine, dont il est triste de penser qu’elle est la deuxième ou première puissance économique du monde. Les libertés individuelles sont largement mises à mal sur notre mère terre.  Les avocats genevois qui s’opposent au projet de loi sur les nouvelles mesures policières de lutte contre le terrorisme ont évidemment ce fait à l’esprit.  Toutefois, en se polarisant sur un risque d’excès d ‘atteinte aux liberté individuelles et à l’Etat de droit, ils épousent trop étroitement un angle de vue, oubliant le véritable risque, le véritable enjeu. 

Oui, dans notre pays, il faut vouloir que tous ceux qui adhèrent à nos valeurs démocratiques, au respect des personnes jouissent des plus grandes libertés possibles. Pour cela, ils ont droit au maximum de sécurité possible, garantie de leurs existences face aux menaces de ceux qui en actes, en préparation d’actes, en complicité plus ou moins active n’adhèrent en rien à tout cela.  Il y a des gens qui rêvent de nous apporter la terreur et des soutiens qui partagent leurs rêves.  L’Etat a un devoir premier de nous protéger. Il a besoin, à cette fin, d’une législation lui donnant suffisamment de moyens. Or, ils s’avèrent insuffisants; comme l’a très bien expliqué la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, forte aussi de son expérience d’ancienne ministre de justice et police à St-Gall. 

La nouvelle loi définira les personnes visées par les nouvelles mesures comme montrant des indices visibles d’adhésion aux activités terroristes.  Il peut donc y avoir obligation de répondre à des questions, interdiction d’avoir des contacts avec des milieux terroristes, avec des tiers soutenant clairement de tels milieux. Cela peut aller Jusqu’à des assignations à résidence, et à la détention en vue d’expulsion d’étrangers porteurs de risques évidents. 

Franchement, vous trouvez cela excessif ou plutôt rassurant? La majorité du peuple suisse sera très probablement satisfaite de cet élargissement législatif. D’autant plus que ces mesures seront appliquées de cas en cas et nullement dans une volonté d’élargir le cercle à l’aveugle. Elles devront être limitées dans le temps, en regard des risques évalués.  Pas d’assignation à résidence sans l’approbation d’un tribunal donc pas de feu vert à un arbitraire ou excès de zèle policier. Enfin,—avocats rassurez-vous—, chaque mesure peut faire l’objet d’un recours au Tribunal administratif fédéral. 

Oui, franchement, ceux qui dénoncent une atteinte inacceptable aux libertés individuelles ne sont pas convaincants. Ceux qui estiment que la législation actuelle suffit ne le sont pas non plus. Pourquoi diable, y aurait-il ce projet si aucun besoin ne s’était fait sentir? Juste pour se faire peur? Allons donc! Il faut savoir que le risque de terrorisme en Suisse, avec les personnes en soutien derrière, est réel. Trop de gens nous ont entonné, de manière générale, le refrain selon lequel un sentiment émotionnel d’insécurité ne correspondrait pas à la réalité. Dans nos démocraties européennes ces anesthésistes de la parole ont ajouté un risque aux risques. Une démocratie aux mains trop hésitantes et molles face à ceux qui la détestent et la méprisent défend mal citoyens et habitants qui l’aiment, qui la font vivre et qui en attendent protection. 

Certes, il faut une proportionnalité, un cadre, des recours ouverts; ils sont là. Toutes raisons de voter oui en lucidité et en bonne conscience. 
Jacques-Simon Eggly