Il faut saluer la victoire d'Emmanuel Macron. C'est un exploit individuel et collectif impressionnant ; cela même si sa victoire au deuxième tour s'appuie largement sur ceux qui ont surtout voté contre Marine Le Pen. Que se serait-il passé si François Fillon n'avait pas été englué dans les affaires ? Gageons qu'il aurait participé au duel final, sans doute au détriment de Marine Le Pen dont il n'était pas très éloigné au score du premier tour. Assassinat politique, comme il dit ? Sans doute. Scandale des fuites et des relations incestueuses entre la justice et les médias, selon la phase de Jean-Pierre Chevénement ? Assurément. Mais les erreurs de jugement et sa mauvaise réaction de défense indiquent aussi sa part de responsabilité personnelle dans ce ratage électoral. Il l'a d'ailleurs reconnu. Passons. Reste à voir quelle composition aura la nouvelle Assemblée qui sortira des urnes le 18 juin prochain. Suivant les scénarios se produisant , le quinquennat pourrait tanguer de gauche à droite.
L'observateur peut se poser la question : y aura-t-il un consensus dynamique autour d'un Président qui se dit déterminé à accomplir des réformes indispensables ? Avec Fillon, la détermination était claire. Avec Macron, malgré les mots, c'est l'attente. Toutefois, une position est encourageante : son engagement européen. Dans une période où le risque de repli des nations sur elles-mêmes est grandissant, la chance est là d'avoir en France un jeune Président qui croit à la conjonction indispensable des dimensions nationales et européenne. Lui qui n'est pas un meurtri de la dernière guerre mondiale, rejoint les pères fondateurs et comprend que rien de bon, rien de sûr,rien de prospère, rien de prometteur pour la jeunesse ne peut se réaliser sans une articulation européenne forte. Il a compris également que le moteur de l'Europe devait se brancher sur le couple franco-allemande.
Même en Suisse on doit s'en féliciter. Si notre pays, de par son identité particulière et une méfiance de longue date tient à garder une certaine distance vis-à-vis de la construction européenne, elle dépend largement de la solidité de cette dernière. La Suisse en contre-point et non pas en plein dedans, soit : mais en lien étroit et en flux réciproque vital. Or, certains nient cette réalité existentielle et cette nécessité. Ils confondent indépendance dans l'interdépendance et une crispation faussement identitaire, nuisible à la prospérité et à l'assise de la Suisse en Europe.
Cela, on vient de le voir encore avec le discours follement applaudi de Christoph Blocher devant l'Assemblée de l'Association pour une Suisse indépendante et neutre. Cette fois, il s'agirait d'une Initiative populaire s'attaquant directement à la libre circulation des personnes avec l'Union européenne. L'interdire à tout jamais par un article dans la Constitution. Aberrant ! Et, en attendant, s' opposer de toutes les manières à la politique du Conseil fédéral et du Parlement qui cherchent à concilier l'Initiative contre l'immigration massive et l'Accord avec l'UE. Casser, en quelque sorte la chance d'une négociation avec Bruxelles. Quelle erreur incroyable !
On aimerait qu'une jeunesse , s'interessant davantage à l'histoire, ressente la chance offerte par une Europe harmonisée, le risque économique et politique d'une Europe déarticulée. On aimerait qu'elle comprenne et ressente la nécessité historique , pour la Suisse, de développer un lien institutionnel et des relations concrètes fortes avec une Europe dont elle est partie prenante ; fût-ce en singularité. Alors oui, de ce point de vue l'élection d'Emmanuel Macron est une bonne nouvelle.