Luther, la laïcité et nous

Quel beau culte présidé par Olivier Fatio, à St-Pierre dimanche dernier. Les 500 ans de la Réforme et le rappel de l'influence de Luther : telle était la trame. Reste surtout de Luther cette conviction que la Justice de Dieu n'est pas répressive, qu'il ne faut pas s'essouffler pour échapper au châtiment. Le salut est un don une grâce obtenus par la Foi, la confiance. De cela peut et doit découler une sérénité, un apaisement fortifiant l'engagement, en dépit des ignominies qui parcourent notre monde.

Comment ne pas sentir à quel point cet héritage demeure une source de tout ce qui nous a façonnés ensuite ! Tourner le dos à nos racines spirituelles serait plus qu'une méconnaissance déplorable, une ingratitude desséchante ; ce serait une erreur politique et sociétale majeure.

Dans la nouvelle Constitution genevoise, il y a un préambule à l'élaboration duquel l'auteur de ces lignes s'était engagé avec feu. Il commence par ces mots : <le peuple de Genève reconnaissant de son héritage humaniste, spirituel, culturel…>- Certes, sont aussi évoqués plus loin les  apports successifs et la diversité qui constituent ce peuple. Mais l'accent est donc bien mis sur les racines, le ciment historique de base.

Alors oui, bien sûr, au fil du temps s'est marquée la distance entre les églises et l'Etat. L'autorité politique, qui s'adresse à tous, s'appuie sur le principe de laïcité. Ce principe met au premier plan les règles de la République, de vie en commun qui s'imposent à tous. Soyons clair et sans langue de bois.  Aujourd'hui, la question se présente à cause de l'Islam ; ou plutôt à cause des Musulmans qui refusent la primauté de la laïcité et certaines règles de vie en commun. On pourrait aussi s'inquiéter du manque de vigueur dans les réactions de Musulmans dits modérés face aux radicaux qui infiltrent leur dialectique auprès de jeunes et dans quelques mosquées. Il importe d'être très ferme là-dessus.

Toutefois, un autre risque existe : celui de l'intégrisme laïque, de la mise à l'écart dogmatique des religions, des églises dans la vie publique. Toute relation normale, tout dialogue fécond des autorités avec les responsables religieux pollueraient la sacro sainte laïcité. On n'en est plus à une garantie des principes démocratiques et de la paix confessionnelle ; on en vient à la remise dans les greniers privés de la part religieuse de nos identités. Ce n'est pas seulement une attitude agressive envers, par exemple, les Musulmans membres de notre Communauté nationale. C'est aussi un déni dogmatique de notre histoire judéo-chrétienne. Il paraît que des ayatollahs de cette laïcité guerrière et d'exclusion voudraient interdire le rassemblement de protestants devant le mur des Réformateurs, le premier dimanche de novembre. Ce serait, aux Bastions, une utilisation trop privée d'un espace public. On se pince pour y croire.

Le Grand- Conseil est saisi de trois variantes pour un projet de loi sur la laïcité, les relations entre l'Etat et les églises, les entités religieuses. Deux variantes, l'une surtout, expriment une laïcité de combat, d'exclusion, de surdité, de déni historique. Un projet du Conseil d'Etat entend répondre mieux à l'indication de la Constitution dans son préambule. A voir. Puissent le débat et sa conclusion aller dans ce sens. Officialisons les relations normales, souhaitables, claires entre le politique et le religieux ; entre la société et ses composantes religieuses. Et cultivons, à l'intention de tous,  le devoir, la responsabilité et la chance de notre mémoire patrimoniale, dont la dimension spirituelle a nourri notre Corps civique et sociétal.