Contrer le risque de sous-enchère salariale dans les secteurs sensibles

Mardi 3 septembre, lors d'une conférence de presse, j'ai présenté une analyse détaillée de la Haute école de gestion de Genève (HEG) en lien avec la surveillance du marché du travail. Cette étude, réalisée par le professeur José Ramirez, porte sur quatre secteurs à risque de sous enchère salariale : le gros œuvre, l'hôtellerie-restauration, le commerce de détail et les transports. Quels constats importants peuvent être tirés? Le risque a nettement diminué pour le secteur du gros œuvre, il est resté stable pour le secteur du commerce de détail et a en revanche augmenté pour le secteur de l'hôtellerie-restauration. La sous-enchère est contrée dans les secteurs à risque lorsqu'un dispositif de contrôle rigoureux existe. Enfin un constat essentiel : la main-d'œuvre frontalière ne provoque pas de sous-enchère, conclut l'étude.

La sous-enchère salariale n'est pas une fatalité. Avec un dispositif de contrôle la diminution du risque est réelle. Ma collaboratrice, Madame Stoll, directrice générale de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), a pour sa part notamment rappelé que "la règlementation du marché du travail est, en Suisse, traditionnellement l'affaire des partenaires sociaux (organisations patronales et syndicales), à travers la conclusion de convention collectives de travail (CCT)." Dans le cadre des mesures d'accompagnements à la libre circulation, un nouveau rôle a été attribué à l'Etat : il doit observer le marché du travail, et de manière subsidiaire, effectuer des contrôles dans les secteurs qui ne sont pas réglementés par les partenaires sociaux. En étroite collaboration avec les partenaires sociaux, le canton de Genève a mis en place un dispositif d'observation rigoureuse du marché du travail.

Quatre secteurs à risque

L'étude s'est concentrée sur quatre secteurs d'activité à risque de sous-enchère salariale, à savoir le gros œuvre, le commerce de détail (alimentaire et non alimentaire), l'hôtellerie- restauration ainsi que les transports « de choses pour compte de tiers ». Cette analyse a pu être effectuée à partir des données des deux dernières vagues de l'enquête sur la structure des salaires (ESS) de 2008 et 2010 dans le secteur privé (90'000 salariés et près de 3'000 entreprises).

Des résultats clairs

Les principaux résultats de la présente étude, en termes d'évolution du risque de sous- enchère entre 2008 et 2010, sont les suivants :

- Le risque a clairement diminué dans le gros œuvre pour les postes/emplois sans qualification. Ce secteur se distingue par l'existence d'un dispositif professionnel de contrôle, mis en place par les partenaires sociaux, qui démontre donc toute son efficacité.

- Dans le commerce de détail, le risque de sous-enchère n'a quasiment pas varié.

- Dans l'hôtellerie-restauration, le risque de sous-enchère a fortement augmenté pour les personnes occupant un poste de travail qui requiert un CFC mais pour les personnes sans qualification le risque a faiblement augmenté.

La main d'œuvre frontalière ne provoque pas de sous-enchère. Les femmes font face à un risque de sous-enchère plus élevé que les hommes.

L'analyse avait aussi pour objectif de savoir dans quelle mesure le risque de sous-enchère est affecté par le sexe ou la nationalité/type de permis des travailleurs.

Dans les secteurs du commerce de détail et de l'hôtellerie-restauration, les femmes font face à un risque de sous-enchère plus élevé que les hommes.

Selon le professeur Ramirez, "il n'existe aucune différence en termes de risque de sous- enchère entre les Suisses, les porteurs de permis C et les frontaliers (permis G). Les détenteurs de permis B et L font par contre face à un risque de sous-enchère plus élevé".

Un nombre élevé de frontaliers dans une entreprise n'a aucun impact sur le risque de sous- enchère.

En conclusion, cette étude clarifie quelques idées reçues véhiculés par certains qui utilisent la peur comme argument électoral. Elle constitue également un outil de mesure et d'information efficace concernant des secteurs d'activités sensibles.

Consulter le site internet d'Isabel Rochat