Fin d’une belle aventure à la Cour des Comptes

Par Isabelle Terrier, Ancienne Présidente de la Cour des Comptes

Isabelle Terrier, ancienne Présidente de la Cour des Comptes, revient sur ses douze années passées à la cour, dont quatre à la présidence. Elle nous présente les défis relevés au cours de son mandat, l’activité de la Cour et nous explique son fonctionnement et sa force.

Le PLR Genève profite de cette occasion pour remercier chaleureusement Isabelle Terrier pour son travail au sein de cette institution pendant ces années !

UN MANDAT PASSIONNANT, DES DÉFIS DE TAILLE

Alors que la Cour des comptes est entrée dans sa 18e année, j’achève mes 12 ans de vie commune avec elle, dont 4 à sa présidence ; que le temps passe vite, et comment en suis-je arrivée là ? Avocate de formation, ayant pratiqué 22 ans au barreau genevois, rien ne me destinait, a priori, à rejoindre une institution de contrôle financier. C’est toutefois l’adoption de la nouvelle Constitution par le peuple genevois, le 14 octobre 2012, qui va changer la donne. En effet, le constituant a choisi d’élargir le champ de compétences de la Cour des comptes en lui confiant la tâche d’évaluation des politiques publiques qui était auparavant assumée par la Commission externe d’évaluation des politiques publiques. Ayant siégé 5 ans auprès de cette commission, dont j’assumais la présidence depuis 2009, j’ai été approchée par le PLR, et c’est ainsi que je me suis portée candidate à la Cour des comptes où j’ai été élue magistrate titulaire en novembre 2012. Mes premiers mois d’activité ont été essentiellement consacrés à la mise en place d’une structure interne propre à l’évaluation : engagement de personnel qualifié, élaboration et adoption de procédures internes conformes aux standards de la Société suisse d’évaluation, formations internes et communication externe. Le défi était de taille, car il s’agissait d’une part de trouver un juste équilibre au sein de la Cour entre les activités d’audit et d’évaluation et, d’autre part, de développer une culture de l’évaluation au sein de l’administration publique. Comment faire comprendre que le gendarme financier, comme certains aiment appeler la Cour, pouvait aussi être un outil d’aide à la décision ? Certains de nos dirigeants l’ont heureusement vite compris. Preuve en est que les deux premières évaluations menées par la Cour l’ont été à la demande de conseillers d’État et portaient sur les thématiques de la lutte contre les violences domestiques et de la politique publique en matière de prostitution. Dix-sept autres rapports d’évaluation ont ensuite été publiés en lien avec des problématiques aussi variées que notamment la protection des mineurs, la réinsertion professionnelle des chômeurs en fin de droits, les bourses et prêts d’études ou la loi sur le revenu déterminant unifié.

ACTIVITÉS DE LA COUR

L’activité principale de la Cour demeure néanmoins axée sur le contrôle de la légalité des activités et du bon emploi des fonds publics, et 109 rapports d’audit ont été publiés depuis mon entrée en fonction. Enfin, depuis le 1er mai 2017, la Cour assume également la lourde tâche de réviser tant les comptes individuels que consolidés de l’État de Genève.

Nos conclusions ne font pas toujours plaisir, et les magistrats doivent être capables de les défendre tant auprès des entités concernées que des commissions des finances et de contrôle de gestion, tout en étant exposés médiatiquement.

INDÉPENDANCE ET AUTONOMIE

La grande force de la Cour réside dans son indépendance et son autonomie. Elle est l'une des 4 autorités de rang constitutionnel, aux côtés du Grand Conseil, du Conseil d’État et du Pouvoir judiciaire. Elle est libre de choisir ses missions ainsi que la façon dont elle entend les mener et n’est soumise qu’à la haute surveillance du Grand Conseil. Tous nos rapports, délibérés de façon collégiale à trois, sont rendus publics et généralement présentés en conférence de presse. Nos conclusions ne font pas toujours plaisir, et les magistrats doivent être capables de les défendre tant auprès des entités concernées que des commissions des finances et de contrôle de gestion, tout en étant exposés médiatiquement. Cela n’a rien d’un long fleuve tranquille, mais c’est passionnant !

UNE NOUVELLE COMPOSITION

À la fin du mois, les électrices et électeurs genevois vont devoir désigner la nouvelle composition de la Cour des comptes, une première sélection ayant déjà été effectuée à l’interne des partis. Ce choix est important au regard de la mission de la Cour et des tâches qui incomberont aux futurs élus. Je leur souhaite d’ores et déjà une belle aventure et autant de plaisir que j’en ai eu tout au long de ces années.