Votre mandat de présidente du Grand Conseil s’est terminé le 2 mai, quel regard portez-vous sur cette année écoulée ?
Cette année fût une expérience passionnante et intense. J’ai fait le choix d’accepter toutes les invitations que mon agenda permettait. J’ai ainsi participé à des inaugurations, aux cérémonies d’ouverture des évènements qui marquent le calendrier genevois – comme les automnales, les salons de l’auto, du livre et des inventions, à des célébrations et commémorations – comme la restauration et le 1er juin, ainsi qu’à de nombreuses assemblées générales d’associations sociales, culturelles ou professionnelles. Toutes ces rencontres ont été particulièrement enrichissantes et ce fut un réel plaisir d’échanger avec des personnes qui s’engagent pour Genève.
Quel fut le moment qui vous a le plus marqué au cours de cette année ?
Je garderai de nombreux souvenirs de cette année. Toutefois, la présidence de la prestation de serment du Conseil d’État, le 31 mai 2023 à la Cathédrale Saint-Pierre, fût un moment exceptionnel. Faire face à près de 1500 personnes, sans compter les téléspectateurs, était particulièrement impressionnant. Mon discours à cette occasion appelait au respect de la démocratie et de l’État de droit et relevait l’incompatibilité de la désobéissance civile avec ces valeurs. De nombreuses personnes, même encore dernièrement, m’ont remercié d’avoir rappelé ces principes.
Quel fut le défi principal auquel vous avez été soumise ?
Lorsque j’ai pris la présidence, il y avait plus de 330 points à l’ordre du jour du Grand Conseil. De nombreux objets obsolètes ou refusés en commission encombraient l’ordre du jour. Le seul moyen d’adopter un texte était de demander une urgence et la plénière n’arrivait même plus à traiter toutes les urgences demandées par les groupes. L’asphyxie guettait et je m’étais fixé comme objectif de réduire l’ordre du jour.
Durant cette année, quatre départements en entier ont été traités. La dernière plénière de mars ne comptait plus que 171 points à son ordre du jour et seuls 100 points ont été reportés en vue de la plénière de mai. Ainsi, il ne reste plus que quelques objets déposés en 2020 ou 2021 et une large majorité des textes datent de l’année passée ou même de cette année.
Je ne suis évidemment pas la seule responsable de ce résultat. L’éviction du parlement du groupe Ensemble à Gauche a calmé les débats, de même que l’arrivée de 40 nouveaux députés (sur 100). J’ai ainsi pu procéder plus facilement à un changement de rythme en plénière. De même, en septembre, un « enterrement express » d’environ 60 objets obsolètes ou largement minorisés a pu avoir lieu avec l’accord – plus ou moins conscient – de tous les groupes.
Il est aujourd’hui possible de réussir en politique en étant une femme, mère de famille et active professionnellement, tout en étant issue d’une famille qui n’était pas engagée en politique.
Être une femme est un atout ou une difficulté dans cette position ?
Les deux ! J’ai été la 134e personne à assumer la présidence du Grand Conseil depuis la Constitution fazyste de 1847, mais seulement la 12e femme.
Emma Kammacher avait accédé à cette fonction en 1965 déjà. Il a ensuite fallu attendre 1984, quelques mois après ma naissance, pour que Marie-Laure Beck-Henry devienne la seconde présidente. Ensuite, 10 femmes ont assumé ce mandat jusqu’en 2008 avec la présidence de Loly Bolay. Pendant 15 ans, plus aucune femme n’avait présidé le parlement genevois !
Je suis particulièrement fière que ce soit le PLR qui ait présenté à nouveau une femme à cette fonction et je le remercie de sa confiance.
Je souhaite profiter de cet interview pour souligner qu’il est aujourd’hui possible de réussir en politique en étant une femme, mère de famille et active professionnellement, tout en étant issue d’une famille qui n’était pas engagée en politique.
Pour répondre à votre question, je pense que le fait d’avoir été une femme a facilité mon élection et que dans les situations tendues, de nombreux hommes sont plus respectueux et donc moins agressifs face à une femme. À l’inverse, il existe encore des hommes qui ont de la peine à accepter qu’une femme occupe une fonction dirigeante surtout si en plus, elle est plus jeune qu’eux. Heureusement, ils ne sont pas nombreux dans notre parlement.
Une rencontre qui vous a marquée ?
Pas une en particulier, mais une multitude. Cette année a été l’occasion de côtoyer de nombreux élus communaux, cantonaux et parfois fédéraux, siégeant tant dans un législatif que dans un exécutif. Ces rencontres m’ont conforté dans ma fierté du fonctionnement démocratique de notre pays. Je souhaite témoigner, même si je ne peux évidemment pas prétendre à la neutralité, que je n’ai rencontré que des personnes engagées qui consacrent beaucoup de temps au service de la collectivité.
L’expression de « société civile », que certains essaient de nous imposer, ne fait qu’affaiblir nos institutions. Il me paraît important de rappeler qu’il n’existe pas de distinction entre la population et les élus, comme le laisse penser cette expression. Les élus ne sont que de simples citoyens qui ont décidés de s’engager pour défendre leurs valeurs et ce qui leur paraît le mieux pour la société. Ils font donc partie de cette « société civile ».
Un mot pour votre successeur ?
Je suis convaincue que la présidence du Grand Conseil n’est pas une simple fonction honorifique mais véritablement un des rouages de notre institution. Je suis heureuse d’avoir pu donner une nouvelle dynamique aux travaux de notre parlement et d’avoir été autant que je le pouvais à la rencontre des citoyennes et des citoyens, des associations et des entreprises qui font notre canton.
J’invite mon successeur à s’investir autant qu’il le peut et lui souhaite d’avoir autant de plaisir que j’en ai eu dans l’accomplissement de ce mandat.