LE SYSTÈME DES TROIS PILIERS
Le système de prévoyance professionnelle suisse est fondé sur trois piliers complémentaires lesquels fonctionnent selon des modèles très différents. Si le 3e pilier est personnel et facultatif, les deux premiers sont obligatoires et comprennent une certaine forme de solidarité.
Le 1er pilier, l’AVS, est financé selon un système de répartition : la génération actuellement active finance les prestations des rentiers d’aujourd’hui. Le 2e pilier, communément appelé la LPP, est financé selon un système de capitalisation : les cotisations payées par l’employeur et l’employé sont placées pour chaque assuré sur le marché des capitaux et lui sont reversées à la retraite. Chacun épargne ainsi pour lui-même.
LPP : CAPITAL ACCUMULÉ OU RENTE MENSUELLE
S’agissant de la LPP, la personne qui atteint l’âge de la retraite a deux options : prendre le capital accumulé ou demander, en son lieu et place, le versement d’une rente mensuelle. Dans le premier cas, le retraité est libre de placer et d’utiliser son capital comme bon lui semble. Dans le second, le retraité a l’assurance de recevoir une rente mensuelle fixe jusqu’à la fin de ses jours. Le montant de la rente dépend en principe de deux éléments principaux : le capital accumulé, d’une part, et l’espérance de vie moyenne des assurés, d’autre part.
LE TAUX MINIMUM DE CONVERSION, UN POURCENTAGE DU CAPITAL ACCUMULÉ
Aujourd’hui, la législation fédérale prévoit que la rente LPP allouée doit correspondre annuellement à 6,8 % du capital accumulé à l’âge de la retraite. C’est ce que l’on appelle le taux minimum de conversion. En substance, chacun doit toucher au minimum 6 800 francs par an par tranche de capital de 100 000 francs. Ce taux minimum a été fixé il y a de nombreuses années, soit à une période où l’espérance de vie était sensiblement plus courte qu’aujourd’hui. En 1985, l’espérance de vie d’un homme était de 73,5 ans et celle d’une femme était de 80,2 ans. En 2022, elle était respectivement de 81,6 ans et de 85,4 ans. Il est ainsi difficile de servir avec le même capital une même rente pendant 5 ou 8 ans supplémentaires. Il faut donc agir.
Les caisses de prévoyances disposent d’une grande liberté et nombre d’entre elles assure de meilleures prestations que celles imposées par la loi.
RÉDUCTION DU TAUX DE CONVERSION
Les autorités fédérales proposent ainsi de réduire le taux de conversion de 6,8 % à 6 %. Pour ceux qui choisissent de toucher leur avoir de prévoyance LPP sous forme de capital, cela ne changera rien. Pour ceux qui préfèrent bénéficier d’une rente, la baisse sera réelle. Toutefois, la réforme soumise à votation comprend des mesures compensatoires pour la rendre acceptable et équilibrée.
Les caisses de prévoyance disposent d’une grande liberté et nombre d’entre elles assure de meilleures prestations que celles imposées par la loi. Dans les faits, le taux minimum de conversion ne s’applique qu’aux caisses de pension qui n’assurent que le minimum LPP. Celles-ci ne représentent qu’environ 15 % de toutes les institutions de prévoyance. L’immense majorité des caisses, et donc des assurés, ne sera pas concernée par la baisse du taux de conversion.
Si le régime LPP est obligatoire, il ne concerne toutefois pas tous les employés. En effet, la loi fixe un seuil d’accès : seules les personnes qui gagnent plus de 22 050 francs par an ont actuellement l’obligation d’être affiliées à une caisse de pension. Pour augmenter le nombre des personnes affiliées à une caisse de pension, le seuil d’entrée a été abaissé de 10 % et fixé à 19 845 francs par an.
Outre le seuil d’entrée, la loi prévoit que seule une partie du salaire est assurée et donne droit à des prestations LPP. Il existe en effet une sorte de franchise, appelée déduction de coordination, d’un montant de 25 725 francs par an. Cela signifie que seul le salaire annuel supérieur à ce montant impose une cotisation et donne droit à une rente. Pour assurer une meilleure retraite aux salariés, le parlement a réduit ce montant. Il ne correspondra plus à un montant forfaitaire de 25 725 francs, mais au maximum à 20 % du salaire brut. Aussi et par exemple, celui qui gagne 52 000 francs par an ne sera plus assuré que sur la moitié de son salaire brut mais sur les 80 % de celui-ci. Aussi, les employés à temps partiel et les personnes à faibles revenus seront considérablement mieux assurés.
Enfin, le taux de cotisation minimum est aujourd’hui très différent selon qu’on ait 25 ou 60 ans, par exemple. Il existe 4 taux minimums, variant de 7 % à 18 %, en fonction de l’âge. Cette différence de taux de cotisation est discriminant pour les travailleurs âgés. Aussi, pour atténuer ce phénomène les taux minimums de cotisation ont été modifiés et réduits à 2 catégories au lieu de 4. Cette modification aura un impact positif sur l’employabilité des salariés de plus de 45 ans.
MESURES D’ACCOMPAGNEMENT
Enfin, le Parlement a pris une mesure d’accompagnement afin de compenser directement les baisses de rentes des personnes aux faibles revenus de la génération transitoire, soit celle née entre 1962 et 1977. Il est prévu que pour une durée de 15 ans, les personnes qui atteignent l’âge de la retraite avec un faible capital se voient allouer une rente complémentaire mensuelle qui peut aller jusqu’à 200 francs par mois. Les personnes qui auront accumulé un capital de prévoyance inférieur à 220 500 francs toucheront un supplément complet et celles qui auront accumulé un capital de prévoyance inférieur à 441 000 francs toucheront un supplément plus faible et fixé de façon dégressive.
UNE RÉFORME NÉCESSAIRE POUR UN AVENIR PÉRENNE
L’objectif de la présente réforme a donc été de modifier le taux de conversion pour consolider les rentes et éviter que certaines caisses de pension se trouvent en difficultés financières en raison du prolongement de l’espérance de vie. Mais la réforme a aussi eu pour objectif de faire en sorte que les employés suisses soient mieux et plus nombreux à être assurés.
Cette réforme est nécessaire et permettra d’assurer un avenir pérenne aux rentes du 2e pilier. Elle limitera l’impact de la baisse du taux de conversion et aura l’avantage de mieux assurer, voire même d’assurer, certaines personnes qui ont de faibles revenus et qui sont tenues à l’écart de l’actuel système de prévoyance. Sur un plan statistique, cette réforme améliorera avant tout la situation des employés à temps partiel et celle des femmes.
Cette réforme est nécessaire et permettra d’assurer un avenir pérenne aux rentes du 2e pilier.