Le système actuel de préavis donnés par le conseil supérieur de la magistrature (CSM) engendre des efforts disproportionnés et inappropriés eu égard aux buts poursuivis. Le peuple genevois votera le 18 mai sur une loi constitutionnelle qui permettrait de remplacer le système de préavis pour les candidats aux élections judiciaires par un renforcement de la surveillance des magistrats du 3e pouvoir. Murat Julian Alder, député au Grand conseil, nous explique les enjeux de cette réforme.
Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature
Les magistrats du Pouvoir judiciaire sont soumis à la surveillance du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Le CSM veille au bon fonctionnement des juridictions et s’assure notamment que les magistrats exercent leur charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité. En outre, il évalue les compétences des candidats à un poste de magistrat et formule pour chaque candidature un préavis, conformément à la Constitution genevoise entrée en vigueur le 1er juin 2013.
Un système de préavis à améliorer
Dans son rapport annuel 2019 au Grand Conseil, le CSM a indiqué avoir délivré 435 préavis (tous positifs) en vue des élections générales pour la période 2020-2026. Ce rapport, qui a été l’occasion de tirer un bilan du premier exercice de cette ampleur, conclut que ce système de préavis engendre des efforts disproportionnés et inappropriés eu égard aux buts poursuivis.
En effet, dans l’immense majorité des cas, les préavis délivrés sont positifs. De plus, dans les très rares cas où le CSM émet un préavis négatif, cela ne rend pas pour autant inéligible le magistrat concerné. En outre, la notification d’un préavis négatif n’est sujette à aucun recours. Enfin, le système actuel ne permet pas d’intervenir efficacement lorsqu’un magistrat fournit des prestations insatisfaisantes.
C’est pourquoi, en 2021, sur l'initiative de votre serviteur, la Commission judiciaire et de police (COJUP), puis le Grand Conseil, ont adopté une motion invitant le Conseil d'État à déposer, après concertation avec le Pouvoir judiciaire et consultation de la commission constituée des présidents des commissions judiciaires des partis politiques représentés au Grand Conseil (la commission interpartis), un projet de loi tendant à améliorer l’efficacité et l’efficience du système des préavis.
Un projet de loi élargissant le champ d’actions du CSM
Fin 2024, le Conseil d’État a donné une suite favorable à ladite motion en déposant un projet de loi pour le renforcement de la surveillance des magistrats du pouvoir judiciaire, que la COJUP, puis le Grand Conseil, ont adopté au début de l’année 2025.
D’une part, ce projet de loi abroge la base constitutionnelle qui instaure le système des préavis. C’est en raison de cette modification de notre charte fondamentale que le peuple doit obligatoirement se prononcer sur cette réforme par la voie du référendum.
D’autre part, le projet modifie la loi cantonale sur l’organisation judiciaire en donnant davantage de prérogatives au CSM dans l’exercice de sa tâche de surveillance des magistrats.
Plus concrètement, le CSM pourra désormais ouvrir une procédure à l’encontre d’un magistrat lorsqu’il aura connaissance d'une situation problématique, en utilisant, outre les sanctions disciplinaires existantes, les moyens mis à disposition par la loi sur la procédure administrative. Il devra donc rendre une décision en bonne et due forme, sujette à recours.
De plus, la nouvelle loi élargit les possibilités d’action du CSM envers les magistrats dont les prestations sont jugées insatisfaisantes. Ils pourront être invités à rétablir une situation conforme, notamment en complétant leur formation. Les magistrats concernés ne seront relevés de leur charge qu’en ultime recours, dans le respect du principe de proportionnalité.
Dans le cadre du traitement de ce projet par la COJUP, il a en outre été décidé que, dorénavant, seront inéligibles les magistrats qui ont été relevés de leur charge par le CSM durant les 10 années précédant l’élection ou qui ont été destitués.
Suppression d’un système inefficace
En d’autres termes, il s’agit de supprimer un système de préavis qui s’est avéré inefficace, inefficient, lourd et bureaucratique au profit d’une surveillance renforcée, juste et ciblée.
Cette réforme, soutenue par le Pouvoir judiciaire, le CSM lui-même et la commission interpartis, ainsi que par le Conseil d’État, a été adoptée à une très large majorité par le Grand Conseil. Tous les partis l’ont acceptée, hormis le MCG, probablement davantage par hostilité de principe envers le mode d’élection des juges tel qu’il est pratiqué à Genève que par pleine et entière adhésion au système des préavis, qui a vécu.
Une réforme essentielle du pouvoir judiciaire
Au vu de ce qui précède, le PLR vous invite à soutenir cette réforme essentielle pour notre Pouvoir judiciaire, laquelle pourra entrer en vigueur avant la prochaine législature judiciaire (2026-2032).