Le Conseil d'État a présenté son programme de législature fin novembre. Quelles sont vos priorités dans ce contexte ?
En tant que responsable des finances publiques, il me semblait indispensable que notre programme de législature soit lié avec le plan financier quadriennal. Il ne s'agit pas seulement d'avoir des intentions, mais aussi de pouvoir les chiffrer afin de vérifier que nous en avons bel et bien les moyens ! L'équilibre des finances publiques à long terme est une condition essentielle à la pérennité du financement des politiques publiques. Cela passera par des mesures structurelles nous permettant de maîtriser l'augmentation constante des charges.
En matière de fiscalité, vous annoncez de bonnes nouvelles : enfin une baisse d'impôt pour les personnes physiques. Peut-on y croire ?
Oui, je suis confiante et m'y emploierai. Le canton de Genève est celui dans lequel le revenu disponible – ce qui nous reste à la fin du mois une fois toutes les charges payées – est le plus faible. Cette baisse d'impôt devra permettre de redonner du pouvoir d'achat à la population, et en particulier à la classe moyenne, cette catégorie qui paie des impôts et ne bénéficie d'aucune aide de l'État. Nous avons 36 % de la population qui ne paie pas d'impôts sur le revenu, nous sommes un canton très social pour les petits revenus. Toutefois la progressivité de l'imposition sur le revenu est forte et nous dépassons rapidement le taux d'imposition des autres cantons tant pour la classe moyenne, la classe moyenne supérieure que les hauts revenus. Je rappelle que le canton de Genève ne connaît pas de crise des revenus. En onze ans, les recettes fiscales n’ont cessé de progresser (+56 %) et les comptes 2023 devraient être positifs grâce à cette hausse des revenus fiscaux. Une baisse de l'impôt s'impose donc.
Vous avez récemment déposé un projet de loi pour réduire la fiscalité de l'outil de travail. Où en est-on ?
Ce projet de loi a été examiné par la commission fiscale du Grand Conseil et devrait bientôt être soumis au vote en séance plénière. Sans trahir le secret des travaux de la commission, le projet a été légèrement modifié, mais il conserve son objectif : alléger la fiscalité de l'outil de travail qui est perçue au travers de l'impôt sur la fortune des entrepreneurs et des entrepreneuses. Il prévoit toujours d'introduire un tarif réduit d'imposition des titres non cotés liés à l'outil de travail, pour les contribuables actionnaires concernés. Ils devront être domiciliés dans le canton, détenir au moins 10 % du capital action de la société et être salariés de l'entreprise. Ce projet nous permettra de nous aligner sur les cantons romands qui appliquent déjà une telle mesure d'allègement et de nous rapprocher des pays qui nous entourent et n'imposent plus l'outil de travail. Ce sera notamment un coup de pouce bienvenu pour les start-ups.
Vous vous engagez également à renforcer la performance du service public et simplifier les démarches administratives. Comment ?
Mieux servir la population et les entreprises est une priorité. À cet égard, pour faciliter la vie des administrés, le principe du « Once only » sera mis en œuvre. Il s'agira de ne demander qu'une seule fois les informations aux personnes usagères et aux entreprises et d'éviter ainsi des sollicitations inutiles.
Moyennant l'accord de l'administré, il appartiendra aux différents services de l'État de se coordonner à l'interne, et d'aller chercher eux-mêmes les informations nécessaires, auprès des services qui les détiennent déjà. Ceci dans le respect le plus strict de l'intégrité numérique des individus. Il s'agit d'un projet innovant qui nécessitera de développer la cyberadministration, de résoudre les aspects juridiques et permettra de mettre l'usager au centre.
L'égalité, c'est toujours un enjeu qui vous tient à cœur ?
Absolument, il est important de continuer à promouvoir l'égalité dans tous les domaines de la société, lieux de formation, monde du travail, espace public, sphères politiques et décisionnelles. Mais j'ai aussi pour objectif, via le Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences, d'intensifier la lutte contre les violences domestiques. Cela passera par un développement des campagnes de prévention et de sensibilisation à l'attention du grand public, afin d'atteindre les victimes, les auteurs ainsi que les témoins. Cela impliquera aussi de renforcer la prise en charge des auteurs et le soutien aux foyers d'hébergement des victimes.
Quelle est votre vision de la Genève internationale ?
La Genève internationale est un joyau que nous devons préserver. Nous traversons des crises de rares ampleurs depuis ces deux dernières années. Le multilatéralisme est en danger alors qu'il est essentiel. Notre canton doit rester un lieu de paix, neutre, fidèle à son histoire, susceptible d'accueillir des rencontres en faveur de la paix et de continuer à agir pour le respect du droit humanitaire. Avec la Confédération et la ville de Genève, nous devrons consentir des investissements importants afin de développer nos infrastructures et améliorer nos conditions d'accueil notamment d'une plus grande diversité d'acteur.
Nathalie Fontanet, vous êtes actuellement la vice-présidente du Conseil d'État. En juin 2024, vous deviendrez présidente. Quels sont vos projets pour cette année de présidence ?
La marge de manœuvre du Président ou de la Présidente pour développer des projets est faible. Néanmoins, je m'en saisirai. En voici quelques-uns : améliorer les relations entre le Conseil d'État et le Grand Conseil, défendre le dossier européen en soutenant la conclusion de nouveaux accords avec notre principal partenaire économique, accords indispensables à notre prospérité. Sensible au droit à l'éducation des filles, je mettrai aussi un accent sur le soutien à de tels projets dans le domaine de la solidarité internationale. Je vous livrerai les autres le 1er juin 2024 !