Les défis de la transition énergétique des bâtiments

Par Adrien Genecand

LES QUESTIONS ÉNERGÉTIQUES SONT AU COEUR DES PRÉOCCUPATIONS DES GENEVOIS. LA RÉNOVATION DU PATRIMOINE BÂTI, QUI REPRÉSENTE À LUI SEUL PRÈS DE 26 % DE NOS ÉMISSIONS DE CO2 À L’ÉCHELLE DE LA CONFÉDÉRATION, EST UNE PRIORITÉ. ADRIEN GENECAND, DÉPUTÉ AU GRAND CONSEIL, NOUS DÉCRYPTE ICI CE SUJET D’ACTUALITÉ TRÈS TECHNIQUE.

Le regain d’intérêt de la population pour les questions énergétiques a connu une accélération spectaculaire ces dix-huit derniers mois.

UN SUJET BRÛLANT

Le dernier vote du Grand Conseil sur la rénovation énergétique des bâtiments suscite passablement de débats, il est donc important de prendre le temps d’y revenir dans les pages du Nouveau genevois.

Avec un peu de recul, il faut admettre que le regain d’intérêt de la population pour les questions énergétiques a connu une accélération spectaculaire c’est 18 derniers mois. Le début du conflit aux frontières de l’Europe et ses conséquences sur le prix, notamment de l’énergie et du gaz, n’y est sans doute pas étranger.

LES ENJEUX

L’augmentation impressionnante du prix des matières premières en général en 2022 furent une douloureuse piqûre de rappel pour l’ensemble des habitants du canton quant à l’importance de ces enjeux. Les mesures d’économies étant insuffisantes et notre dépendance à l’étranger pour notre approvisionnement énergétique criante, il me semble important de commencer par rappeler quelques éléments pour saisir les ordres de grandeur.

Le site de l’Office cantonal de la statistique nous rappelle qu’à Genève au terme de l’année 2021 :

  • Nous n’avons produit qu’environ 30 % de notre électricité, le reste nous avons dû l’acheter hors canton (ces chiffres ne tiennent pas compte du CERN) ;
  • L’électricité ne représentait pas 30 % de l’énergie consommée en général. Les carburants (sans l’aéroport), le mazout et le gaz naturel composant le reste du mix pour 70 %.

Ces éléments posés, revenons sur l’objet de la discorde : la rénovation énergétique des bâtiments, ou plutôt son financement. Tout le monde s’accordant à faire de cette rénovation du patrimoine bâti, qui représente à lui seul près de 26 % de nos émissions de CO2 à l’échelle de la Confédération, une priorité. Pour information, ces émissions sont surtout dues à la consommation de combustibles fossiles pour le chauffage et la préparation d’eau chaude dans les bâtiments résidentiels et commerciaux. Il y a donc deux pistes pour traiter le problème :

  1. Changer l’énergie utilisée en passant au renouvelable ;
  2. Rénover les enveloppes afin d’éviter de consommer plus que nécessaire.

La question des flux comme vous avez pu le lire plus haut semble hors de notre portée.

Cela ne doit pas nous empêcher de promouvoir ce qui peut l’être, mais il convient de rester lucide sur les ordres de grandeur. La seule année de notre époque industrielle où il y a eu une diminution notable de notre consommation d’énergie fût celle du Covid en 2020. Sommes-nous prêts à vivre plus de quelques mois de confinement de façon durable ?

La question des flux comme vous avez pu le lire plus haut semble hors de notre portée. Cela ne doit pas nous empêcher de promouvoir ce qui peut l’être, mais il convient de rester lucide sur les ordres de grandeur. La seule année de notre époque industrielle où il y a eu une diminution notable de notre consommation d’énergie fût celle du Covid en 2020. Sommes-nous prêts à vivre plus de quelques mois de confinement de façon durable ?

ASSAINISSEMENT DU PARC IMMOBILIER GENEVOIS

Concernant la rénovation et l’état du parc immobilier, il y a environ 15 000 bâtiments et 1200 villas qui sont concernés par les mesures d’assainissement (moins de 450mj/m2/an) imposées par le Conseil d’État par voie réglementaire en 2022. Rappelons-nous ici que si le parc genevois est parfois mal entretenu, c’est aussi parce que la LDTR est la loi la plus dissuasive de Suisse. Cette dernière ne permettant que marginalement de répercuter les frais sur les locataires. C’est pourtant ces derniers dans ce domaine qui vont voir leurs charges diminuer après travaux.

Le canton de Genève utilise actuellement les IDC (Indice de dépense de chaleur) alors que le reste de la Suisse utilise le Certificat énergétique des bâtiments (CECB). L’IDC est un référentiel qui prend en considération le comportement des usagers (locataires ou propriétaires occupants). Il est donc fortement influencé par nos comportements. Le CECB mesure quant à lui la qualité de l’enveloppe au niveau énergétique.

Tout le monde s’accorde à faire de cette rénovation du patrimoine bâti une priorité.

Il faut reconnaître que garder l’IDC permettrait aux propriétaires d’immeubles de mettre en place toutes sortes de mesures efficaces pour atteindre des seuils de dépassement significatifs. Mais cela ne permet pas non plus d’être très ambitieux car pour cela, il faut s’attaquer à l’enveloppe.

Pour ceux qui ne peuvent atteindre les objectifs fixés par ce biais – principalement les propriétaires de villas – il faut savoir que le besoin d’investissement pour ce type de rénovation sera égal ou supérieur à CHF 1000.-/m2 de surface chauffée (Etude hepia – efficience immobilier – Genève 2019). Preuve en est le crédit de près d’un milliard voté par le Grand Conseil pour les 293 bâtiments propriété de l’État il y a quelques mois. Il faut donc trouver un outil de financement pour soutenir les propriétaires désireux de faire plus que le strict nécessaire.

  • La classe D correspond à un IDC < à 450 Mj/m2/an ou 125 KWh/m2/an
  • La classe F correspond à un IDC < à 680 Mj/m2/an ou 190 KWh/m2/an
  • La classe G correspond à un IDC > à 680 Mj/m2/an ou 190 KWh/m2/an

SYNTHÈSE

En résumé, ce que la majorité du Grand Conseil a voté, le soir du jeudi 21 septembre 2023 et qui est maintenant suspendu en vertu de l’article constitutionnel 109 alinéa 5 :

  • C’est d’abord des subventions énergétiques en faveur des propriétaires à hauteur de CHF 50 millions par année et pour une somme totale qui devrait être de CHF 500 millions. Avec l’aide de Berne il est possible que cette somme soit doublée ;
  • Les propriétaires dont les bâtiments comportent des surfaces chauffées et construits avant le 1er janvier 1986 feront établir, à leurs frais un CECB ;
  • Les bâtiments dont la qualité énergétique correspond à la classe G devront faire l’objet de travaux pour entrer dans la classe D dans les 10 prochaines années et ceux de la classe F disposeront, eux, de 15 ans pour rejoindre cette même classe. Ce qui est très semblable aux délais que prévoyait le département du territoire, malgré ses déclarations intempestives. Ces délais sont d’ailleurs comparables à ceux d’autres cantons et favorisent la constitution de fonds de rénovation pour lesquels l’État devra proposer au Grand Conseil un mécanisme d’encouragement fiscal s’il ne souhaite pas mettre la main à son portemonnaie.

Comme vous l’aurez compris ce débat, même s’il est très technique, est passionnant. De plus, c’est probablement l’enjeu majeur pour atteindre nos objectifs climatiques. Force est de constater qu’à ce stade les moyens financiers que le Conseil d’État souhaite engager ne sont pas à la hauteur des ambitions qu’il veut fixer aux citoyens. Le groupe PLR continuera à œuvrer pour trouver une solution pour le financement de ces travaux afin que Genève ne rate pas le virage de la transition énergétique.