Non à un cadeau des populistes, par les populistes, pour les populistes

Par Murat Julian Alder, Député au Grand Conseil

Le dimanche 3 mars 2024, le peuple genevois se prononcera sur la loi constitutionnelle «pour un exercice des droits politiques en adéquation avec les réalités d’aujourd’hui » adoptée par le grand conseil le 12 mai 2023. Soutenir qu’il est trop difficile de lancer une initiative populaire ou une demande de référendum à genève en 2024, au point qu’il faille une nouvelle fois baisser le nombre de signatures, est une hérésie que murat julian alder, député au grand conseil, vous décrypte dans cet article.

Il s'agit, une fois de plus, d'un cadeau des populistes, par les populistes, en faveur des populistes, de gauche comme de droite.

UN TITRE MENSONGER

« Pour un exercice des droits politiques en adéquation avec les réalités d’aujourd’hui ». À la lecture de ce titre mensonger, on pourrait penser qu'il s'agit de rétablir le vote électronique, voire d'offrir la possibilité à nos concitoyennes et concitoyens de signer électroniquement des initiatives populaires et des demandes de référendum.

IL N'EN EST RIEN

En effet, il s'agit, une fois de plus, d'un cadeau des populistes, par les populistes, en faveur des populistes, de gauche comme de droite.

UN ÉQUILIBRE GRÂCE AU POURCENTAGE

Depuis la fin des années 2000, d'abord dans le cadre des travaux de l'Assemblée constituante (2008-2012), puis à l'occasion d'une précédente révision partielle de notre Constitution cantonale sur ce sujet (2017), se pose la question de l’équilibre qui doit nécessairement exister entre :

  • le nombre de personnes légitimées à formuler une proposition de révision de la Constitution ou d'une loi (initiative populaire) ou à demander la tenue d'un scrutin sur un objet adopté par le parlement (référendum), d'une part ;
  • le corps électoral pris dans son ensemble, d'autre part.

Le principe de cet équilibre, exprimé sous la forme d'un pourcentage, est un acquis majeur de la charte fondamentale adoptée par le peuple genevois le 14 octobre 2012 et entrée en vigueur le 1er juin 2013.

Jusqu'au 31 mai 2013, alors que le nombre d'habitants – et avec lui, celui des titulaires des droits politiques – n'a cessé de croître, la fraction du corps électoral qui était en droit de lancer une initiative populaire ou de demander le référendum est restée inchangée. En effet, sous l'ancienne Constitution cantonale, il fallait récolter 10 000 signatures pour proposer une initiative populaire et 7000 signatures pour provoquer un référendum.

Dans le cadre des travaux de l’Assemblée constituante, le PLR avait proposé́ de remplacer ces seuils en nombre par des proportions de l’ordre de 5 à 10 %. En définitive, soucieux de parvenir à un compromis et de favoriser le succès du projet de nouvelle Constitution devant le peuple, les partis gouvernementaux s’étaient mis d’accord sur des seuils de 4 % pour l’initiative constitutionnelle et de 3 % pour l’initiative législative et la demande de référendum. Ces fractions correspondaient approximativement aux seuils de 10 000, respectivement 7000 signatures qui prévalaient à l’époque.

Soutenir qu’il est trop difficile de lancer une initiative populaire ou une demande de référendum à Genève en 2024, au point qu’il faille une nouvelle fois baisser le nombre de signatures est faux.

UNE RÉDUCTION DU SEUIL EN 2017

Le 24 septembre 2017, le peuple genevois a accepté de baisser le seuil pour les initiatives constitutionnelles de 4 à 3 % et celui pour les initiatives législatives et les demandes de référendum de 3 à 2 %.

En d’autres termes, il y a un peu plus de six ans, on a déjà réduit d’une manière importante le nombre de signatures à récolter pour lancer une initiative populaire ou demander le référendum populaire.

Ainsi, en 2023, il ne fallait plus que 8219 signatures pour proposer une initiative constitutionnelle et 5479 signatures pour lancer une initiative législative ou demander le référendum.

UN CADEAU DES POPULISTES POUR LES POPULISTES

La loi constitutionnelle du 12 mai 2023 propose de réduire une nouvelle fois ces seuils. Celui pour l’initiative constitutionnelle passerait de 3 à 2 %, ce qui, sur la base des chiffres de 2023, représenterait une baisse de 8219 à 5479 signatures, et celui pour les initiatives législatives et les demandes de référendum passerait de 2 à 1 %, soit une réduction de 5479 à 4110 signatures. Cette loi constitutionnelle prévoit un mécanisme similaire en ce qui concerne les droits populaires au niveau communal.

Autrement dit, alors que le nombre d’habitants à Genève a dépassé le seuil des 500 000 habitants, que le nombre de titulaires de droits politiques a augmenté en conséquence et que les outils technologiques à notre disposition devraient nous permettre d’envisager une pleine et entière citoyenneté électronique à moyen terme, une majorité parlementaire de circonstance vient nous faire croire qu’il serait devenu tellement compliqué d’exercer les droits populaires à Genève, qu’il faudrait une nouvelle fois réduire la proportion entre le nombre de ceux qui signent et celui des votants.

Or, l’histoire de notre canton démontre que de nombreuses initiatives populaires et demandes de référendum ont obtenu bien plus de signatures que ce qui est exigé par notre Constitution cantonale. Elle démontre aussi qu’il est rare qu’une initiative populaire ou une demande de référendum n’aboutisse pas faute d’avoir obtenu suffisamment de signatures, ce d’autant plus dans un canton qui prévoit de surcroît la suspension des délais référendaires sur le modèle des féries judiciaires et un référendum facilité à 500 signatures pour les scrutins en matière fiscale ou de logement.

La vérité, c’est que les populistes, de gauche comme de droite, sont lassés de devoir se lever les samedis matin pour aller récolter des signatures sur les marchés.

Soutenir qu’il est trop difficile de lancer une initiative populaire ou une demande de référendum à Genève en 2024, au point qu’il faille une nouvelle fois baisser le nombre de signatures, c’est l’expression d’une inquiétante malhonnêteté intellectuelle, doublée d’un irrespect total pour le peuple et les institutions.

D’UN BON USAGE DES OUTILS DÉMOCRATIQUES

En effet, dans une démocratie directe équilibrée, le parlement doit pouvoir légiférer, le gouvernement doit pouvoir gouverner et les outils de démocratie directe doivent être utilisés avec parcimonie. Oui, le peuple doit toujours avoir le dernier mot, mais il ne doit pas pour autant se substituer aux autorités qu’il a démocratiquement élues.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Parti libéral-radical, à l’instar du Conseil d’État, vous invite à voter NON à une nouvelle baisse insensée du nombre de signatures pour lancer une initiative populaire ou une demande de référendum.