Déchets d’entreprises : le mieux est l’ennemi du bien

Quand un projet est mal « emmanché », il

vaut mieux remettre les choses à plat avant de construire une usine à

gaz. C'est ce qui semble heureusement se produire avec le projet de

suppression des tolérances communales pour les déchets urbains des

entreprises en Ville de Genève. Annoncée pour le 1er avril prochain, la

mise en application du principe du pollueur-payeur pour les ordures

ménagères des entreprises a du plomb dans l'aile, si l'on en croit les

récentes interventions de plusieurs conseillers administratifs appuyés

par divers conseillers municipaux. En matière de financement, la

législation fédérale impose le principe du pollueur-payeur : celui qui

est à l'origine du déchet doit supporter le coût de son élimination par

l'intermédiaire d'émoluments ou de taxes. Genève ne connaissant pas la

taxe au sac, bien connue de nos voisins vaudois, ce sont les communes

qui organisent jusqu'à présent la levée et l'élimination des déchets.

Une tâche financée par une partie du produit de la taxe professionnelle

communale, payée par les entreprises. Non seulement cette taxe ne

diminuera pas du fait du changement de système, mais les entreprises

devront à partir du mois prochain conclure des contrats avec des

recycleurs pour prendre en charge leurs ordures. La fin des tolérances

communales (déjà en vigueur ailleurs dans le canton) renforce le

sentiment que les entreprises paieront désormais à double, pour une

prestation délivrée qui ne sera pas meilleure que jusqu'à présent. Le

canton a émis à l'attention des communes une directive indiquant un mode

de tarification possible pour l'élimination des ordures en fonction de

la taille des entreprises. Les autorités de la Ville de Genève se

préoccupent du prix que devraient payer les toutes petites entreprises, à

savoir celles qui comptent moins de huit postes de travail, hormis les

cafés-restaurants, garages et laboratoires (assimilés à des moyens ou

gros producteurs). C'est bien, mais cela ne suffit pas, à notre avis. La

Ville de Genève dénombre de multiples entreprises un peu plus grandes

qui devront mettre sur pied un dispositif compliqué pour stocker des

sacs poubelles on ne sait où, en l'absence de locaux adaptés et faire

éliminer leurs ordures ménagères, avec le recycleur qui voudra bien se

déplacer dans leur quartier. Bien des entreprises ne seront pas prêtes

pour le 1er avril, ne serait-ce que parce que les sociétés de recyclage

ne répondent pas toutes aux appels d'offres, ce qui ne permet pas aux

clients de procéder à des comparaisons de prestations et de prix. Les

recycleurs devraient peut-être se répartir les quartiers pour éviter de

multiplier les déplacements de camions. Si, à la base, le principe du

pollueur-payeur a du bon - car il encourage la diminution des déchets et

le recyclage, il faudrait peut-être se demander si les limites de ce

système ne sont pas atteintes.