Oser dire les choses

Le week-end dernier, on a pu lire que des propos du Conseiller national Benoît Genecand avaient suscité des remous. Peut être qu'il aurait pu s'épargner quelques compléments à son message principal, lequel était de dénoncer le deal de rue dans son quartier de Genève ; en précisant que ces dealers étaient essentiellement des Noirs. S'il avait dit Africains, particulièrement de l'Afrique de l'ouest, aurait-il moins fait réagir ? Car, évidemment, ses phrases lancées sur un réseau social ont été qualifiées de racistes et xénophobes. 

On a envie de dire aux censeurs : <ça suffit>. Cet excès de zèle, au nom de la lutte contre la xénophobie et le racisme, va exactement à fin contraire. De plus en plus de citoyens sont irrités par cette constante pression bien pensante qui vise à obtenir une auto-censure. La Liberté d'expression en est atteinte et le débat démocratique pourrait risquer d'être mis sous tutelle moralisante. Parfois, on frise le ridicule. Oh, que l'on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas. Nous avions soutenu avec engagement la loi contre le racisme et l'anti-sémitisme. Il fallait une barrière, en regard du passé et en prévision de l'avenir. Mais rapprocher toujours plus cette barrière de la parole libre devient inacceptable. Un vrai démocrate ne peut que le ressentir. 

Écrire , par exemple, que tous les Africains seraient des traficants, des délinquants : voilà qui serait évidemment raciste et xénophobe. Mais écrire que le trafic de rue dans un quartier de Genève est largement le fait d'Africains : est ce du racisme ? On plaisante. C'est une constatation que tout le monde peut faire. Aussi dans d'autres quartiers. Ne pas oser le dire ou l'écrire par crainte de se faire accuser de racisme et de xénophobie : voilà qui est une sorte d'abdication sur La Liberté d'expression, une petite lâcheté démocratique. 


Cela n'indique pas que l'on doive suivre l'UDC ou le MCG quant aux remèdes préconisés. Par rapport à nos liens avec l'Afrique, par exemple, l'auteur de ces lignes a croisé le fer vivement avec Christoph Blocher en personne, lors d'un débat.  L'avenir commande des relations de partenaires entre l'Europe et l'Afrique ; sur pied d'égalité et dans l'intérêt mutuel.  Et, par ailleurs,  nous n'apprécions pas toutes les positions exprimées par Benoît Genecand, notamment  en ce qui concerne notre Accord sur la libre circulation des personnes avec l'Union européenne.Mais c'est un autre sujet. 

En revanche, son propos sur le deal de rue par les Noirs doit être reçu comme étant une constatation d'un fait réel et vérifiable. En démocratie, faire silence sur tel aspect afin de ne pas donner des arguments aux populistes, c'est justement leur donner les meilleurs atouts électoraux. Ils peuvent, non sans raison, dénoncer une propension à masquer des vérités, au nom d'une fausse bonne conscience. Ces obsédés de la non stigmatisation en perdent leur crédibilité, Oui, il y a des limites nécessaires à la liberté d'expression. Mais ces limites doivent être suffisemment larges, concerner des paroles intentionnellement racistes. Elles ne devraient pas être ramenées au point où La Liberté d'expression serait abusivement bridée. La franchise et le réalisme dans la description des faits constituent aussi des valeurs et des repères pour l'action politique. Alors oui, osons sans tabou dire les choses telles qu'elles sont.  C'est une des clés de la démocratie.