Pas d’économie sans des valeurs

 La Chambre de commerce a pris une position de soutien à Pierre Maudet, soit son Comité après consultation de son Conseil. On peut supposer qu’il y avait des avis divergents. Mais compte finalement, vis à vis de l’opinion, la position prise. Il faut la regretter. La Fédération des entreprises romande a été beaucoup plus sage en renonçant à une recommandation de vote. 

Bien sûr, on entend  les arguments appuyant une telle position. Il faudrait être réaliste, donner la priorité à la défense d’une économie genevoise en difficulté, penser avant tout à ces petits patrons et entrepreneurs aux abois durant cette période virale, affirmer son opposition aux options politiques que représente Fabienne Fischer, faire confiance à un homme d’action. Nous ne sommes ni aveugle ni sourd. Nous entendons ce discours. Mais il passe à côté d’une dimension essentielle. 

Il ne s’agit pas ici de revenir sur tous les éléments de l’affaire Maudet, comme on dit. Allons même jusqu’à répéter qu’il y a eu, dans le ton et le volume médiatique, un acharnement  démesuré. Il n’empêche qu’il ne faut pas retourner les choses. L’histoire est pleine de ces exploits populistes où celui ou ceux qui dérivent réussissent à convaincre nombre de gens que les coupables du désordre sont ceux qui l’ont ou les ont attaqués. Le fauteur premier du désordre devient la victime qu’il faut secourir, surtout s ‘il prend l’allure et le chapeau de l’homme providentiel en période de crise. Parfois, dans l’histoire, cette atomisation des consciences a conduit à des tragédies. Nous nous adressons également, ici, à ceux de notre parti, le PLR, qui versent dans ce renversement des responsabilités. Oui, nous espérons aussi que le PLR sortira de cette très mauvaise passe et retrouvera unité et dynamisme. Mais ce ne sera pas possible à n’importe quel prix. Ni le PLR ni d’ailleurs les milieux économiques n’ont d’avenir radieux en décrochant d’un attachement strict à des valeurs éthiques fondamentales. Oui le libéralisme défend l’économie et la liberté est indivisible. Mais cette liberté est associée à la responsabilité et à la droiture dans la marche de la Cité. On ne peut pas relativiser, banaliser un comportement d’une figure publique qui s’est écartée de cette exigence. Aucun juge ne peut être élu si il a un casier judiciaire. Dans les contrats entre particuliers, une garantie est souvent exigée à cet égard. Et des électeurs PLR, des cadres d une association économique trouveraient normal, en tout cas pas si grave, d’élire un Conseiller d’Etat s’étant conduit en marge de la légalité, en rupture de collégialité gouvernementale, n’ayant pas hésité à recourir aux mensonges calculés!  Ils le feraient en affichant de bonnes intentions: barrer la route à une candidate de gauche risquant de changer l’équilibre politique à l’exécutif, peut être seulement dans les deux ans qui viennent; et hisser à nouveau sur le pavois un homme qui déclare, sans excès de modestie, être l’homme qu’il faut au bon moment et au bon endroit. 

Hé bien non. Quelles que soient ses qualités opérationnelles ( sous réserve de problèmes dans la relation avec les collaborateurs), un homme qui n’incarne pas des valeurs fondamentales en politique ne saurait être celui qu’il faut au Conseil d’Etat. Dans la vie publique, il y a l’échéance à court terme et l’enjeu dans la durée. Ce dernier tient à la concordance nécessaire entre la défense des intérêts économiques, gages de prospérité et La défense des valeurs éthiques de base, soutenant les comportements individuels et la confiance collective. Il peut arriver que cette concordance ne soit pas atteignable  à un instant donné; comme maintenant. C’est pénible. Mais il faut alors ne pas s’écarter des valeurs, en visant le but de retrouver cette jonction qui est l’honneur et la vitalité de la politique en démocratie. Nous croyons que ceux qui pensent apporter des remèdes, de l’apaisement, de l’efficacité, de l’unité en appelant à la paix des braves comme si de rien n’était ne plantent  pas seulement des clous nocifs dans l’équilibre des institutions; ils fragilisent l’âme même de la politique. Non, malgré tous les arguments apparemment rationnels et émotionnels entendus, le vieux PLR qui signe ces lignes ne peut imaginer de voter Pierre Maudet . Ce serait trahir des valeurs qui ont inspiré tout son engagement politique .   

Jacques-Simon Eggly