En
panne de sujet de conversation lors d'une soirée ? Lancez la discussion
sur la mobilité à Genève et les langues se délient instantanément.
Qu'il soit piéton, cycliste, usager des TPG ou automobiliste, le
Genevois se plaint de la circulation à journée faite, ou presque.
Serait-ce que nous sommes tous des râleurs invétérés ? Pas seulement.
Même si toutes les grandes régions métropolitaines connaissent des
embouteillages et autres problèmes de circulation, notre canton fait
figure de cas particulier.
Sa
topographie est tout à fait singulière : à l'extrême ouest de la
Suisse, bordé par la France sur 103 kilomètres alors que la longueur de
la frontière séparant Genève du canton de Vaud n'est que de 4,5 km,
coupé en deux par le lac Léman et le Rhône, sans périphérique
autoroutier. Pendant des années, la Berne fédérale a mis la priorité,
dans le domaine des infrastructures de transport, sur l'axe Nord-Sud,
délaissant l'axe Est-Ouest. Aujourd'hui encore, Genève éprouve beaucoup
de difficultés à convaincre les autorités fédérales de délier leur
bourse pour ses projets tant ferroviaires que routiers.
Sur
le plan économique, avec plus de 36'000 entreprises sur son territoire,
son rayonnement international dû à la présence de nombreuses
organisations internationales, le canton affiche un dynamisme tel que la
population active (230'871 personnes en 2015) ne suffit pas à occuper
tous les emplois existants (369'600 en 2015). Cet état de fait engendre
des mouvements pendulaires qui se font en transports publics quand
l'offre existe (c'est le cas pour les pendulaires vaudois) et d'autres
mouvements qui se font en voiture quand l'offre en transports publics
est déficiente (c'est le cas pour les pendulaires résidant en France).
Ajoutez
une politique du logement qui pendant des décennies a chassé une partie
des actifs à l'extérieur du canton, des clivages gauche-droite stériles
qui ont empêché la classe politique d'unir ses forces pour développer
l'ensemble des modes de transport en parallèle et les multiples
oppositions qui ralentissent pour ainsi dire tous les projets ; tous les
ingrédients sont réunis pour aboutir à la gabegie que nous vivons tous
chaque jour ou presque.
Cahin-caha,
le canton rattrape peu à peu son retard dans le développement des
infrastructures de transport tout en veillant, enfin, à mieux coordonner
aménagement du territoire et mobilité. Dans deux ans, le Léman Express
devrait être inauguré et décharger des rues une bonne partie de la
circulation pendulaire venant du Genevois français. Du côté du rail, le
fonds d'infrastructure fédéral permet peu à peu de développer la liaison
avec le canton de Vaud et en principe améliorer la liaison entre la
gare de la Plaine et Cornavin. L'autoroute de contournement sera élargie
prochainement et, à un horizon plus lointain, la traversée du lac
devrait voir le jour en parallèle avec l'urbanisation de la rive gauche
qui permettra de rééquilibrer un petit peu les activités économiques et
l'habitat entre les deux rives.
Ces
grands projets ne seront cependant pas suffisants pour pacifier le
trafic dans les centres urbains, améliorer la desserte des zones
industrielles, résoudre les problèmes du transport professionnel et
soulager les communes périphériques du trafic pendulaires. Les besoins
sont encore considérables: routes de contournement, développement des
transports publics, parkings-relais, parkings associés à la création de
zones piétonnes, stationnement des deux roues motorisés, sécurisation et
développement des itinéraires de mobilité douce, etc. Le tout en
coordination étroite avec les projets de nouveaux quartiers qui doivent
prendre en compte que le "zoning" ne fonctionne plus et qu'il est
indispensable de rapprocher marchandises, logement et travail.
Pour
couvrir tous ces besoins, les investissements nécessaires seront
considérables et ce ne sera pas une mince affaire de trouver les fonds
compte tenu de la mauvaise mine du ménage cantonal. Des arbitrages
devront être faits, des priorités posées. Mais une chose est sûre : les
Genevois ne veulent plus être condamnés à attendre dans les bouchons ou
aux arrêts TPG.
(Article paru dans Le Nouveau Genevois, n° 9, novembre-décembre 2017) ainsi que sur le blog http://nathaliehardyn.blog.tdg.ch/