Traquer, protéger mais vivre

Tout a été dit sur l'horreur. Tout n'a pas été dit sur les erreurs de l'Occident . Cette funeste opération américaine en Irak. Ce soutien mou à la nébuleuse des opposants à Assad sans les moyens d'établir et de consolider un nouveau régime. Ce manque de conscience, contrairement à un de Gaulle, que l'Orient est compliqué. Cette politique étrangère médiatique et par à coups plutôt que réfléchie et stratégique. Et maintenant des Etats en chaos, une Entité terroriste fanatique jusqu'à l'horreur mais déterminée. Oui, il serait bien temps que les Occidentaux, les Russes et même l'Iran accordent leurs violons pour vaincre le monstre. Demeure un grand malaise. Toute cette horreur a été générée par les mouvements salafistes, intégristes qui ont été appuyés, financés par des pays avec lesquels nous commerçons : l'Arabie saoudite et des pays du Golf qui nous fournissent en énergie, achètent des fleurons de nos hôtels mais sont très loin de nos valeurs constitutives. Oui, nous sommes en guerre mais aussi en difficulté de nous extraire de notre filet de contradictions.

La menace, la guerre ont parfois cette vertu qu'elles font ressurgir dans nos démocraties des qualités endormies. L'Angleterre de Churchill face à l'Allemagne nazie illustra l'un de ces grands moments. Et pourtant, dans la lutte, le Royaume Uni est resté un pays des libertés. Mais les citoyens se sont mobilisés pour résister à la terreur, à la peur et pour vivre de leurs valeurs, envers et contre tout. 

Car voici le défi. Pour l'Europe et l'Amérique, il importe de coordonner les renseignements, de trouver et de traquer les terroristes potentiels, d'être beaucoup plus incisifs afin de débusquer les clandestins douteux, de contrôler bien davantage les migrants, de fermer des mosquées douteuses, d'accentuer les pressions et d'augmenter les accords diplomatiques pour organiser des renvois, d'étendre les lieux de détention en permettant à la justice de ne pas relâcher si souvent tôt des personnes arrêtées. Bref, dans une guerre, la démocratie aux mains molles, aux idéologies angéliques, à une tolérance aveuglée n'est plus tolérable : ni en France, ni en Angleterre ni en Suisse. Le discours si souvent rabâché par la Gauche selon lequel il y a un sentiment d'insécurité qui ne correspondrait pas à une insécurité réelle n'est tout simplement plus audible. 

Et pourtant, il s'agit de rester nous-mêmes, de ne pas nous laisser contaminer par ceux dont la haine est l seul fil conducteur. Il y a quelques jours, à Genève, Robert Badinter exhortait à respecter nos règles, nos procédures, à ne pas créer des Guantanamo. Cette grande voix morale nous remet des repères en vue. Toutefois, il faut bien s'accommoder de mesures de résistance qui ne sont pas celles du temps calme. Mais oui, gardons nous des amalgames et gardons la boussole démocratique. Nous ne sommes pas en guerre contre l'Islam. Les Musulmans en général sont autant victimes, et même en première ligne, de ces fous furieux. Néanmoins, on aimerait que ces Musulmans citoyens ou habitants de nos pays expriment plus clairement, plus totalement et plus continuellement leur adhésion au Contrat social qui noue le lien de nos Nations. Les libertés, l'égalité hommes-femmes, la laïcité comme norme régissant tout l'Espace public. Il faut qu'ils soient en guerre avec nous contre eux ; et non pas seulement à distance d'eux mais sans faire assez corps et âme avec nous. Le temps, pour eux, n'est plus d'insister sur leur différence que l'on connait, mais de montrer leurs convergences. 

Alors, chacun et tous ensemble pourront affirmer que nous sommes porteurs d'une Civilisation qui ne confond pas les diversités avec la dilution, qui rassemble sur des valeurs, qui maîtrise la peur, qui maintient avec courage et détermination la liberté responsable. Oui la guerre contre les servants de l'horreur sera longue, les mesures nécessaires intérieures et extérieures seront de rigueur mais à la fin nous serons vainqueurs, parce que nous portons la vie. Daech, en semant la mort a remis en pleine lumière nos si belles raisons de vivre pleinement nos vies.