Une seule Suisse diverse

Ouf. La  réforme de l’AVS est passée. D’extrême justesse, c’est vrai. Et grâce aux Suisse alémaniques. En d’autres temps, nous avions regretté ce clivage électoral, pas constant d’ailleurs, entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. C’était surtout en matière de politique étrangère. Au moment du vote sur l’EEE, par exemple, en 1992. Et c’est bien dans la  partie alémanique du pays qu’un Blocher a obtenu ses plus ardents soutiens contre un Accord institutionnel avec l’Union européenne, lequel serait pourtant si nécessaire. Réflexe de méfiance et d’attachement mal évalué, —-selon nous—-, à notre démocratie. A noter que, sur ce sujet, le meilleur allié objectif du tribun de droite nationale est le syndicaliste de gauche Pierre-Yves Maillard. 

En revanche , sur l’AVS, le clivage reflète une autre différence liée à l’histoire, à la culture,, au comportement. Ne généralisons pas, mais les Romands , en majorité, ont souvent des réflexes à la française. Revendications immédiates, vent debout contre des réformes motivées par le réalisme, exigence quant aux prestations attendues de l’Etat avant la préoccupation de leur financement. Ou, vu sous un autre angle, disons qu’existe davantage en Suisse allemande une conscience de la responsabilité personnelle des individus , vis à vis d’eux-mêmes et à l’égard de la collectivité Ainsi, l’argument clé en faveur de la réforme a été efficace; soit la solidarité fondamentale à préserver envers les générations suivantes 
Cet argument était balayé par les opposants. Pour eux, ce vote est une agression contre les femmes. Or, il donne, au contraire , pour les femmes qui vivent plus longtemps que les hommes en moyenne, une meilleure garantie de toucher des rentes convenables. En fait, il y avait compétition au sujet de  la solidarité. D’un souffle, contre une majorité des votants romands, et grâce à la Suisse allemande, la solidarité entre les générations et le souci de l’avenir financier de l’AVS ont été prioritaires. Le Romand qui écrit ces lignes  dit merci à nos Confédérés.  Et toutes les femmes romandes qui se sont engagées pour la réforme et qui ont pensé à l’avenir de notre prévoyance vieillesse leur disent également merci. Quant à l’agressivité de certaines réactions des déçus, elle ne peut que choquer.  

Reste que l’engagement pour que l’égalité entre hommes et femmes soit mieux réalisée  sera nécessaire.  Bien sûr, là encore, il ne faudra pas tomber dans l’excès  du contrôle étatique. Mais s’ouvre un grand champ d’action publique et privée.  

Bref, tous devraient prendre acte du résultat de dimanche, discuter d’une adaptation du deuxième pilier et envisager des évolutions sociétales en considérant aussi les possibilité financières. On a eu un clivage . Et alors. Ouvrons les chemins de l’avenir avec nos valeurs et nos débats démocratiques.  

Jacques-Simon Eggly