Programme santé 2018

Nathalie Fontanet, Pierre Conne, Nathalie Schneuwly, Rolin Wavre, Alexandre de Senarclens, Charles Selleger, Philippe Morel, Alain-Dominique Mauris


  • I. CONSTAT

Nous sommes collectivement incapables de contenir l'augmentation des coûts médicaux et hospitaliers. Assez logiquement les primes de l'assurance maladie augmentent d'une manière apparemment inexorable. D'ici à 2030, les coûts des soins médicaux devraient augmenter de 60%. Les primes de l'assurance maladie de base, destinées à couvrir ces coûts, continueront à croître d'autant : aujourd'hui de 400 francs par mois et par personne en moyenne, elles atteindront bien au-delà des 800 francs.  En 2030, une grande partie de la population sera alors dans l'incapacité de payer ses primes.

En outre, en 2050, la Suisse aura besoin de 244'000 soignants (soit l'équivalent des villes de Genève et de Fribourg) de plus qu'aujourd'hui afin de répondre aux besoins en soins des malades, en particulier pour les maladies chroniques et les personnes âgées en perte d'autonomie. Aujourd'hui déjà nous sommes en déficit de formation, particulièrement dans les soins infirmiers. Sans changements, nous n'arriverons pas à combler ce retard de formation et ne pourrons pas éternellement siphonner les écoles étrangères.

Le marché de la santé représente, pour l'ensemble du pays, un chiffre d'affaire annuel de l'ordre de 70 milliards de francs, soit 12% du PIB et 500'000 emplois ; il sert bien les intérêts de notre économie.

Les développements actuels montrent les limites de ce modèle économique. Si des mesures correctrices profondes ne sont pas rapidement prises, nous nous exposons à une crise sociale majeure.

Aujourd'hui, les acteurs du système agissent  indépendamment les uns des autres et personne ne se sent responsable des coûts ni de la santé en général de la population. Chacun est naturellement incité à développer les stratégies qui lui sont les plus favorables : schématiquement, les malades demandent toutes les investigations et les traitements les plus sophistiqués, sans se soucier du rapport coût-bénéfice ; la plupart des  médecins privilégient les traitements les plus modernes, souvent les plus chers, sans s'assurer qu'ils apportent un réel bénéfice par rapport aux traitements plus classiques et moins onéreux ; les assureurs cherchent à attirer les bons risques et proposent les modèles d'assurance les plus lucratifs pour eux.

Le marché de soins est un marché de l'offre : l'augmentation du nombre de médecins, de cliniques et d'hôpitaux est directement corrélée à une augmentation des coûts, en raison de la facturation à l'acte ou au forfait par cas hospitalisé.   La surconsommation médicale et le sur-diagnostic sont des fléaux qui affectent le budget de la santé mais aussi la santé des patients en raison des effets secondaires et des risques induits par des traitements inutiles, sans compter le stress pour les proches et une surcharge du système de santé[1]. Des coûts exorbitants pour une qualité moindre, écrivait Monsieur Prix en août 2016. Réduire les actes médicaux dispensés en Suisse, systématiser la prise en charge,  pourrait donc améliorer la qualité des soins et faire baisser les coûts et donc les primes maladies. Ce contrôle réel des coûts doit aussi éviter d'en arriver à devoir rationner.

Le PLR souhaite aujourd'hui passer d'un système éclaté à un système qui intègre les trois grandes fonctions d'assureurs, d'acheteurs (patients) et de prestataires sur les plans stratégique, clinique et budgétaire en intégrant également à la fois sur les axes clinique et financier, les 3 niveaux de soins : prévention, soins généraux de proximité et soins spécialisés.

Le PLR veut réformer l'organisation des soins à Genève.

  • II. Responsabilisation des acteurs

Le sauvetage de notre système de soins passe par l'instauration de nouveaux rôles, à la fois pour les médecins, les assureurs et les patients, avec de nouveaux incitatifs à davantage coopérer dans l'intérêt des patients et de la maîtrise des coûts.

Médecins, assureurs et patients devront concéder une part des marges de manœuvre que le système actuel leur donne et accepter, pour les médecins des responsabilités financières et organisationnelles, pour les assureurs des responsabilités sanitaires et les patients devront accepter de suivre les recommandations du médecin de référence de leur choix.

  • III. Un conseil d'Etat qui fixe la politique de santé du canton

C'est au Conseiller d'Etat genevois en charge du département de la santé qu'il appartient de fixer la politique en  matière de santé et  la  régulation du système de soins cantonal. Aujourd'hui, l'action politique se borne à suivre les projections d'activités des HUG. Or, ce n'est pas aux HUG qu'il appartient de déterminer la politique de santé, respectivement hospitalière du canton.

Le Conseiller d'Etat doit ainsi déterminer les besoins, planifier, coordonner les acteurs privés et publics, définir les axes stratégiques d'aujourd'hui et de demain tant au niveau sanitaire que financier.

  • a. Un observatoire de la santé

L'Etat doit se doter d'un observatoire médico économique de la santé, sous forme d'un centre universitaire interdisciplinaire, chargé de recueillir les informations lui permettant de connaitre l'état sanitaire de la population, de recenser l'activité clinique ambulatoire et stationnaire ainsi que les données de coûts, puis, après analyse, de transmette ses conclusions au Conseil d'Etat afin de l'aider à prendre les décisions de régulation adéquates. Cet observatoire doit intégrer les partenaires publics et privés

  • IV. Promotion de la santé et prévention

Le maintien de l'état de santé d'une population relève, d'une part d'une diminution des maladies (qui est surtout liée à l'amélioration des conditions de vie et peu au système de soins per se) et, d'autre part, d'une meilleure prise en charge des personnes malades (liée quant à elle à l'organisation des soins).

Une approche nouvelle visant l'amélioration des états de santé de notre population qui ne passera pas forcément par des prestations médicales est la seule manière de voir un nouvel avenir mieux maitrisé de notre système de soins.

  • a. La prévention et le dépistage précoce des maladies

La place de la prévention et celle du dépistage précoce des maladies doit être accrue, car elle seule permettra aux personnes de rester en bonne santé. Tous les acteurs publics et privés doivent y participer.

Que ce soit sous la forme de :

  • -Lutte contre les pollutions[2],
  • -Prévention, notamment des maladies mentales chez les jeunes,
  • -Dépistages précoces des maladies héréditaires connues,
  • -Incitations positives (sport, alimentation).

En revanche, le PLR s'oppose aux mesures punitives et discriminantes telles que taxer les fumeurs.

  • V. Le médecin de famille est le garant de l'itinéraire patient

La réforme du système de soins commence par revoir le rôle du médecin de famille afin que celui-ci devienne le pilote du parcours de santé et de soins du patient.

Dans cette perspective, le médecin de famille est celui qui oriente le patient dans le réseau, vers les différents prestataires (examens, spécialistes, hospitalisations) et l'accompagne dans ses décisions afin que le suivi médical gagne en cohérence et en qualité. Le patient conserve le choix de son médecin de famille et la liberté d'en changer en cas de perte de confiance.

Ce nouveau rôle permet d'une part une meilleure prise en charge du patient mais également de lutter contre la surconsommation médicale avec le sur-diagnostic qui sont les fléaux qui affectent tant le budget de la santé que la santé même du patient.

Rappelons-nous que 5% des malades représentent le 50% des coûts à charge de l'assurance maladie. Il s'agit des malades chroniques et des personnes âgées en pertes d'autonomie.  Le rôle du médecin de famille sera d'assurer un suivi rapproché de ces personnes, afin de prévenir des décompensations et des recours inappropriés aux services des urgences hospitalières, sources de souffrances et de surcoûts importants. Dans cette perspective, il faudra aussi rapidement inciter plus de jeunes médecins à s'orienter vers cette forme de spécialisation qui le plus souvent est celle du médecin généraliste.

  • a.Le dossier médical informatisé

Le dossier médical informatisé et intégré est un outil indispensable à une telle  prise en charge coordonnée. Il existe à Genève, et vient d'être créé entre Berne et Zurich dans un projet commun.

Le PLR veut que tous les prestataires de santé utilisent le dossier électronique pour chaque patient. Cette technologie permet résoudre les problèmes de fractionnement du suivi des patients, de défaut de coordination de prise en charge entre différents prestataires, de multiplications inutiles des actes médicaux et de pertes d'informations. Elle participe à la fois à une meilleure sécurité thérapeutique et à une baisse des coûts.

  • VI. Mutualisation des ressources

Le PLR s'engage à instaurer les conditions d'une coopération entre tous les partenaires du système de soins, publics ou privés, qu'il s'agisse d'activités ambulatoires ou stationnaires, afin d'assurer des prises en charge de meilleure qualité à un moindre coût.

  • a. Plateforme de planification et de coordination

Placée sous l'autorité du Conseil d'Etat, une plateforme, composée des représentants des différents acteurs concernés, sera chargée, d'une part de la planification sanitaire et financière et, d'autre part, de la coordination des activités médicales ambulatoires et stationnaires.

  • b. Développement d'un vrai partenariat public-privé

Le microcosme géographique genevois avec une multiplicité de centres de soins (HUG, cliniques, permanences, cabinets médicaux) très proches les uns des autres, la très haute qualité des prestations médicales dans les structures publiques et privées, ainsi que les exigences de qualité et de rapidité de prise en charge des patients rendent logique et rationnel le développement progressif d'un large partenariat public-privé concret et efficace. C'est également ce qui est prévu par la révision de la LAMal de 2012. Les HUG doivent être repensés pour rester compétitifs au niveau suisse.

Le PLR  propose d'instaurer un vrai partenariat public-privé définissant les droits et les devoirs de chacun des partenaires, pour le déploiement d'itinéraires patients qui englobent les phases ambulatoires et stationnaires, la coordination de l'achat de d'équipements techniques sophistiqués, la recherche et la formation professionnelle.

  • c .Meilleure utilisation des plateaux techniques de pointe

Il s'agit d'offrir, à l'ensemble de la population du canton, l'accès aux technologies médicales de pointe et aux équipes capables de les faire fonctionner, au moindre coût.

La volonté du PLR est de créer une chaîne de soins qui amène, dans des domaines sélectionnés et pour des installations particulièrement sophistiquées et onéreuses, à une collaboration public-privé se substituant progressivement à la compétition effrénée à laquelle on assiste aujourd'hui dans l'acquisition et l'exploitation d'équipements médicaux-techniques de pointe.

Le PLR propose la marche à suivre suivante :

  • i.Faire un état des lieux avec un bilan des installations de radiodiagnostic (CT, IRM, PET-CT, autres), de radiothérapie, de robotique chirurgicale, d'assistance circulatoire (Circulation Extra Corporelle et autres),
  • ii.Demander aux exploitants de fournir un bilan d'activité, pour prévoir le renouvellement et le développement de ces installations et la constitution d'équipes compétentes pour les utiliser.
  • iii.Dresser un plan cantonal d'équipements médicaux-techniques avec la volonté de mettre à disposition les nouveaux équipements acquis au service du public comme du privé sous forme de contrats d'utilisation.
  • d. Déploiement des itinéraires patients

Parallèlement à cette organisation technologique, la définition et l'acceptation d'itinéraires cliniques par pathologie doit être créée et acceptée par les partenaires de soins. Ils se baseront sur les recommandations internationales déjà connues et diffusées en particulier par les sociétés scientifiques des domaines concernés.

Ce modèle de processus clinique vise d'une part à éviter la réplication d'examens sophistiqués et chers, et d'autre part à améliorer la qualité de la prise en charge des patients qui se sentiront sécurisés car confrontés à un programme clinique défini et annoncé d'avance.

Cette mesure induit aussi une maîtrise des coûts.

Ces itinéraires cliniques doivent être établis de manière consensuelle par les médecins, basés sur les données existantes dans la littérature et appliqués par de nombreux autres centres en Europe et ailleurs.

Ces itinéraires doivent également s'appuyer sur la transmission continue des données médicales entre tous les intervenants, le patient étant toujours le garant de la confidentialité en contrôlant lui-même les droits d'accès à ses propres données médicales.

Les relais public-privé doivent être mentionnés et définis. Le centre de décision appartenant au « médecin traitant » qui coordonne avec les intervenants qualifiés les procédures à suivre selon l'itinéraire défini.

Les premiers itinéraires cliniques à définir sont ceux qui font appel au recours à des équipements technologiques onéreux dans les investigations et le traitement.

Les domaines de l'oncologie, de la chirurgie « lourde » et complexe, certaines maladies chroniques (ostéo-articulaires, diabète, obésité, cardio-vasculaires, neurologiques) devraient être concernés et faire l'objet de projets cantonaux réunissant les partenaires privés et publics qui prennent en charge ces pathologies, soignants,  administratifs et financiers.

  • e. Formation médicale

La formation des médecins ne peut plus rester confinée dans l'hôpital public et doit également être assurée par les centres privés, là où la majorité des patients sont traités. Aujourd'hui déjà,  le Groupe médical d'Onex et l'Hôpital de la Tour participent à cette formation et cette ouverture doit être progressivement étendue à l'ensemble des acteurs, sur une base volontaire. Cela permettra de renforcer le lien entre différents partenaires du réseau de santé et de soins dont les HUG avec :

  • -Un renforcement du lien entre le milieu universitaire et les médecins de ville,
  • -Une amélioration des synergies et la qualité des prises en charge,
  • -Une meilleure préparation à l'installation future,
  • -Une stimulation des médecins de famille par l'accueil de médecins internes.
  • VII. Formation des autres professionnels de santé

Genève respectivement la Suisse ne forment pas assez de personnel de santé. En 2050 la Suisse aura besoin de 244'000 professionnels de plus qu'aujourd'hui afin de répondre aux besoins en soins des malades chroniques et des personnes âgées en perte d'autonomie.

  • Mettre à disposition davantage de surfaces pour les HESS

Le PLR estime qu'il est indispensable que Genève forme davantage de professionnels qu'aujourd'hui. Le déficit de formation est particulièrement sévère dans le domaine des infirmiers (-ères) et des aides –soignants ce qui nous amène à importer toujours plus de personnel étranger au détriment des pays dont ils proviennent.

Les députés PLR ont récemment déposé une Motion demandant la mise à disposition des HESS de locaux supplémentaires pour augmenter le nombre d'élèves par classes.

  • VIII. Conclusion

C'est une solution globale que propose aujourd'hui le PLR à Genève.

Une solution qui verra la responsabilité politique accrue, une solution qui permettra une meilleure prise en charge du patient sans restreindre sa liberté de choix, avec un rôle accru du médecin de famille, des itinéraires cliniques définis, une organisation de l'offre de soins sur le canton avec une collaboration des partenaires publics et privés, une utilisation pensée, organisée et plus efficace des différentes ressources.

Cette réforme conduira à une médecine de meilleure qualité avec des coûts maitrisés, mettant ainsi un frein à la hausse continuelle des primes d'assurance maladie.



[1] « La surconsommation de prestations médicales: un problème de qualité » in Bulletin des Médecins Suisses – Schweizerische Ärztezeitung – Bollettino dei Medici Svizzeri 2016;97(7):236–243

[2] Un décès sur six survenu en 2015 dans le monde était lié à la pollution essentiellement à la contamination de l'air, mais aussi de l'eau et des lieux de travail, estime un rapport publié vendredi 20 octobre dans la revue The Lancet. Ce qui représente 9 millions de morts prématurés.
http://www.thelancet.com/commissions/pollution-and-health
http://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/etude-the-lancet-sur-la-pollution-la-chimie-a-developpe-des-molecules-qui-ont-un-impact-majeur-sur-la-population_2429467.html