Conseil d'Etat : des priorités clairement définies

Le discours de Saint-Pierre de François Longchamp était très attendu. Il n'a pas déçu. En effet, le premier président du Conseil d'Etat selon la nouvelle constitution genevoise – élu pour toute la durée de la législature – a clairement indiqué les priorités du gouvernement. Elles sont au nombre de deux : réforme de la fiscalité des entreprises et nouvelle répartition des tâches entre les communes et le canton. Car comme le dit François Longchamp, « soyons clairs : tous les objectifs de la législature ne pourront être poursuivis qu'à la condition que notre canton continue de créer des richesses, maîtrise sa dette et gère ses prestations publiques avec plus d'efficience. »

Avec un gouvernement comptant 5 conseillers d'Etat nouvellement élus, et une configuration politique nouvelle (trois blocs politiques représentés au Conseil d'Etat), ce message rassure. Il démontre que le nouveau gouvernement ne modifiera pas le cap fixé par le précédent en matière de fiscalité des entreprises. Citation :

La prospérité de Genève est liée à la présence d'entreprises actives dans le monde entier. Ce sont elles qui permettent à notre économie locale de prospérer également. Ce sont des dizaines de milliers d'emplois sans lesquels Genève deviendrait rapidement une ville de second plan, avec une augmentation massive du chômage et des baisses de prestations publiques. (…) Nous devons supprimer la discrimination entre entreprises locales et entreprises multinationales, afin de soutenir les premières et conserver les secondes. En lien avec la Confédération, nous défendrons l'objectif d'un taux d'imposition unique à 13%, seul susceptible de maintenir 40'000 emplois directs et de répondre aux standards fiscaux mondiaux. Il n'y a pas d'autre issue pour des entreprises qui réalisent l'essentiel de leurs profits à l'exportation ou à l'étranger.

Deuxième priorité, l'indispensable chantier de la répartition des tâches entre les communes et le canton. Ce chantier devra se conduire en parallèle à celui de la réforme de la fiscalité communale et de la péréquation. Derrière ces mots techniques se cache une réalité simple : comment assurer que les communes et le canton assurent les prestations publiques sans doublons, sans complexités inutiles, et se répartissent les ressources fiscales de manière cohérente avec les charges à assumer. Cette réforme de la territorialité, que l'assemblée constituante n'a pas pu réaliser, il appartiendra au Conseil d'Etat et au Grand Conseil, en collaboration étroite avec les communes, de la faire aboutir au cours des prochaines années. Citation :

Nous sommes le canton où les habitants paient le plus d'impôts en regard des prestations offertes, sans pour autant être en mesure de réduire notre dette. C'est donc tous les liens entre le canton et les communes genevoises qui doivent être revus. La fiscalité doit être perçue au lieu de domicile car l'essentiel des charges est lié à la présence d'habitants. Les doublons doivent être supprimés et les compétences réparties de manière claire. Cela touchera toutes les politiques et concernera aussi nos participations dans nos régies publiques. Tout cela doit nous permettre de servir mieux nos concitoyens, à moindre coût pour le contribuable

Outre ces deux chantiers majeurs, le discours de Saint-Pierre laisse une place importante à la Genève internationale, comme le veut la nouvelle constitution qui assigne cette responsabilité au président. C'était l'un des moments émouvants de ce discours :

Notre Conseil d'Etat n'oublie pas qu'il n'est, certes, qu'un gouvernement cantonal parmi vingt-six. Mais ce canton est Genève et Genève n'est pas rien. En ce jour de 65e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, souvenons-nous que dans tous les pays en guerre ou en crise humanitaire, lorsque tout espoir semble disparu, les secours parviennent encore par des véhicules où l'on peut lire en français: "Comité international, Genève". Quand le monde tremble devant la menace d'une crise nucléaire en Iran, c'est à Genève que les grandes puissances renouent le dialogue. Quand le peuple syrien pleure ses morts, c'est encore vers Genève que se portent tous les espoirs.

Cela signifie des efforts importants pour permettre la rénovation des organisations internationales, le maintien d'une desserte aérienne de tout premier plan grâce à l'aéroport, mais aussi un cadre politique et juridique stable.

Dans le contexte politique actuel, le gouvernement a choisi aussi de confirmer son soutien fort aux accords bilatéraux « qui ont rendu la prospérité à notre canton », et a rappelé la nécessité d'un dialogue avec nos voisins vaudois et français pour gérer ensemble ce « précieux territoire que nous avons en partage : le Grand Genève ». Précisant qu'il y a plus d'un siècle, Genève était moins frileuse puisqu'elle ouvrait en 1857 une ligne de chemin de fer vers Lyon, puis l'année suivante vers Lausanne, et créait ensuite des lignes de trams jusqu'à Gex, Douvaine, Annemasse ou Saint-Julien. L'Europe est présente également dans le Discours de Saint-Pierre, qui rappelle que c'est à l'Union Européenne que nous devrons d'accueillir à Genève le « Human Brain Project », qui fera de Genève (grâce aussi à l'EPFL) la capitale mondiale de la recherche sur le cerveau, un programme budgété à 1 milliard d'euros !

Enfin, le discours de Saint-Pierre rappelle les objectifs du Conseil d'Etat en matière de sécurité (la politique mise en place par les PLR Pierre Maudet et Olivier Jornot). Il confirme la nécessité impérieuse de construire des quartiers denses et de qualité, si nous voulons loger les 100'000 Genevois qui ont aujourd'hui moins de 20 ans « et non les contraindre à s'expatrier », tout en protégeant la zone agricole et notre paysage. Un message clair en vue de la votation du 9 février, où il s'agira de permettre une utilisation rationnelle du sol en zone de développement, afin de libérer des espaces publics, d'atténuer la pression sur la zone agricole et sur la zone villas. S'agissant du domaine scolaire, le discours promet ce que nous espérons depuis longtemps : « Nous réduirons les structures bureaucratiques afin de redonner de l'espace aux enseignants de terrain ». Une « école de qualité, où l'on travaille plus et mieux » et où l'on met en valeur « les mérites » des élèves. Le PLR veillera à ce que ces objectifs se matérialisent concrètement.

La prochaine étape est connue : le Conseil d'Etat a maintenant six mois pour élaborer un programme de législature plus précis, qui indiquera comment ces objectifs devront être atteints. C'est à ce moment-là que nous verrons plus clairement si la collégialité affichée et les ambitions de ce nouveau collège se concrétisent dans les faits.