Rolin Wavre : C'est un ami que vent emporte...

C'est un ami que vent emporte

Et il ventait devant ma porte…

- Ça me fait tout drôle de t'entendre parler de là ! dit-il.

Là, c'est la place que j'occupe désormais, juste derrière la sienne, dans la salle du Grand Conseil. Il s'est retourné vers moi, et ses yeux brillent dans son visage serein ; il a ce regard clair et ce sourire retenu que je connais depuis des années, et qui me surprennent encore aujourd'hui par leur côté franc et amical. Il échange quelques mots avec moi, comme pour me souhaiter la bienvenue. Cette bienvenue, il a attendu que je parle pour me la signifier. C'est bien lui, ça : trouver l'instant propice et toujours s'inscrire dans une action pour en souligner ce qui marque ou lui fait plaisir.

- Ça me fait tout drôle !

Je lui réponds quelque chose de banal. Il me lance un sourire et se replonge dans l'affaire en cours que le président cravache pour la mener à terme.

De dos, je l'observe un instant. Le dos des gens ne ment pas. J'y lis cette amitié qu'il réserve à ceux qui le côtoient de près. Il connaît l'être humain pour l'avoir croisé dans des situations difficiles, il se met souvent à son service car il aime les gens. Il s'approche d'eux comme pour une invitation ; son corps s'incline un peu vers l'avant pour leur parler. Il leur tend la main, et dans cette main tendue, on croit discerner un « je suis là ». Je suis là ! De dos, je sais que tu es là, je sens que tu es là.

- Ça me fait tout drôle ce message que j'ai reçu au soir tombant !

Tu es parti sans avertir, sans faire de bruit, mais les mots de ce message, eux, résonnent dans ma tête, ils se bousculent, se pressent. Je relis les phrases et je n'y crois pas. Je sais que ces mots ne sont pas toi, ils parlent de toi mais ne sont pas toi, je fais un effort pour qu'ils ne se superposent pas à toi. Je donne quelques coups de téléphone. Je m'assieds, je me relève. Je recherche en moi ce visage familier qui est le tien et que je retrouve sans difficulté. Oui, tu es là ! Je te vois à cette place, juste là ; je te regarde dans la rue, au bistrot ; je te suis dans ton explication toujours courtoise ; je t'entends en commission, qui défend un point de vue original ; à table, voilà que tu lèves ton verre ; tu réponds à celui-ci, tu répliques à celui-là. Et toujours ce regard clair, presque transparent, qui oscille entre légèreté et profondeur, vivacité et perspicacité.

Merci d'être là, Rolin ! Je sais que tu es là !