Anne Hiltpold, vous évoquez des attentes fortes vis-à-vis de votre département, par quoi on commence ?
Certains peuvent l'oublier, mais mon département est organisé autour de trois grands axes que sont l'instruction publique, la formation et la jeunesse. Nous parlons à juste titre beaucoup de l'école, mais la formation en collaboration avec l'université et les hautes écoles ainsi que la jeunesse avec notamment la protection des mineurs sont également des domaines cruciaux. Je ne peux donc pas vous dire par quoi on commence, mais vous dire que mon département travaille déjà sur plusieurs dossiers majeurs que je souhaite voir se réaliser durant cette législature. Parmi eux, la mise en œuvre de l'horaire continu à l'école primaire, la réforme du cycle d'orientation, l'évolution de l'offre et l'amélioration de la lisibilité du système de l'enseignement secondaire II, le soutien à l'entrée directe en formation professionnelle duale, l'augmentation de l'offre des places d'apprentissage en entreprise, le développement de l'offre des échanges linguistiques ou le déploiement d'un plan interdépartemental sur les 1000 premiers jours de l'enfant.
Réforme du Cycle d’orientation. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre vision ?
La prochaine réforme sera le fruit d'une réflexion approfondie avec l'ensemble des partenaires concernés. Mais le constat est clair, trop de jeunes n'atteignent pas le niveau suffisant pour entrer dans une filière qualifiante à la sortie du Cycle et doivent poursuivre leur cursus dans des classes préparatoires avant de pouvoir entrer à l'ECG ou dans une formation professionnelle. 50 % des élèves du 11e degré quittent le CO sans avoir acquis les connaissances fondamentales de base en mathématique. Face à cette réalité, je pense qu'une simple réorganisation de la structure du CO ne suffira pas pour améliorer son fonctionnement. Les changements nécessaires devront être plus profonds. Actuellement, presque la moitié des jeunes entrent au Collège à la sortie du CO, mais un tiers l'abandonne la première année. Pour améliorer l'orientation des jeunes, je souhaite que les cours d'information et d'orientation scolaire et professionnelle (IOSP) soient dispensés par des professionnels de la formation et non plus des enseignants du CO. Je suis persuadée que pour susciter des vocations, il faut parler de ce que l'on connaît. Des stages en entreprises deviendront également obligatoires pour tous les élèves du cycle. Plus largement, nous devrons mettre en place un cycle permettant aux élèves d'acquérir les connaissances fondamentales afin de pouvoir intégrer une filière certifiante de l'enseignement secondaire II directement à leur sortie, et non en passant par les offres du préqualifiant comme les classes préparatoires par exemple comme le font 14 % des jeunes qui sortent du cycle. Je suis convaincue que chaque enfant a le potentiel de réussir. Pour atteindre cet objectif, nous intensifierons le repérage et l'accompagnement des élèves à risque de décrochage dès l'école primaire. Nous allons également revoir les dispositifs de remobilisation scolaire et proposerons des projets pilotes dans les établissements.
Mon département a un rôle majeur à jouer dans le domaine de la formation aux nouveaux métiers, en collaboration avec les HES et les universités.
Vous avez beaucoup parlé de la revalorisation de la formation professionnelle, pourriez-vous développer ce point ?
Effectivement, nous constatons qu'une grande majorité de jeunes s'orientent d'abord vers les filières généralistes et trop peu entrent directement en formation professionnelle après le Cycle. Nous devons faire mieux. Il faut revaloriser toutes les filières professionnelles pour que les jeunes n'envisagent pas l'apprentissage comme une « voie de garage » mais comme un réel choix qui offre de nombreuses opportunités de carrière, comme peut en témoigner notre nouveau Conseiller fédéral Beat Jans ! Pour cela, nous soutiendrons l'entrée directe en formation professionnelle duale, à la sortie du CO en collaboration avec les entreprises. C'est un enjeu majeur pour notre canton qui compte encore trop peu d'apprentis, nous devons former la relève et remédier à la pénurie de personnel qualifié. Nous sensibiliserons au besoin les entreprises privées et publiques à leur responsabilité sociale de former les jeunes dès la sortie du cycle et non pas d'engager des jeunes de 19 ans. Ainsi, nous favoriserons les formations duales mixtes (du type formation en école exclusivement en première année, puis en dual ensuite) pour permettre aux jeunes d'être un peu plus matures et d'avoir consolidé leurs connaissances à leur entrée en entreprise. Nous encouragerons aussi les partenariats entre les jeunes et les communes pour développer l'apprentissage dans les entreprises locales.
Vous évoquiez plus haut l'enseignement supérieur, quel est votre programme en la matière ?
Il est essentiel de garantir l’excellence des hautes écoles qui participent largement au rayonnement de Genève. Mais nous devons aussi veiller à ce qu'elles s'adaptent aux besoins du marché de l'emploi. Ainsi, mon département a un rôle majeur à jouer dans le domaine de la formation aux nouveaux métiers, en collaboration avec les HES et les universités. Le Département veillera à offrir un financement permettant de réaliser les ambitions et les nouveaux défis de l'enseignement et de la recherche. Il soutiendra l'UNIGE dans le cadre du développement de son campus universitaire et encouragera la collaboration avec les milieux économiques, sociaux et sanitaires ainsi qu'avec les partenaires internationaux en matière de recherche et d'innovation. Par ailleurs, par souci de cohérence, nous prévoyons de revoir les conditions d’entrée en maturité professionnelle pour augmenter sensiblement le nombre de jeunes susceptibles d’intégrer les filières des hautes écoles spécialisées. Aujourd'hui, le nombre de places en maturité professionnelle est limité, nous refusons des candidats, mais cela ne fait pas de sens si nous voulons valoriser cette filière et permettre aux jeunes d'entrer dans ces hautes écoles.
On a pu lire dans la presse des parents en colère prétendre que l'enseignement de l'éducation sexuelle à l'école était trop « militant », qu'en est-il ?
Les cours d'éducation sexuelle existent depuis de nombreuses années, ils sont utiles et nécessaires. Ils permettent selon l'âge des enfants de pouvoir leur expliquer ce qu'est l'intimité, le respect de leur corps, de prévenir les abus. À l'ère des réseaux sociaux, il est salutaire de faire de la prévention contre la violence, le harcèlement et de transmettre des valeurs de tolérance en dénonçant toutes les discriminations. Aujourd'hui, ce que l'on nomme « lutte contre les stéréotypes de genres » signifie lutter contre les préjugés sexistes en expliquant par exemple aux filles qu'elles peuvent devenir inspectrices de police et aux garçons sage-femme. C'est de cela qu'il s'agit, mais en aucun cas de demander aux enfants « s'ils se sentent dans le bon corps ». Le militantisme n'a pas sa place à l'école.