Pas de signe de haine dans l’espace public

Par Céline Zuber-Roy, Présidente du Grand Conseil

Le peuple genevois est appelé à se prononcer sur l’intégration d’un nouvel article dans la constitution cantonale visant à interdire les signes de haine dans l’espace public. Céline Zuber-Roy, Présidente du Grand Conseil, présente cette innovation proposée par le Grand Conseil.

Le Grand Conseil a adopté le nouvel article 210A de la Constitution genevoise le 23 juin 2023. Il ne s’agit donc pas d’une réaction en lien avec les terribles évènements qui se produisent au Moyen-Orient depuis le 7 octobre dernier. Au contraire, il s’agit d’une proposition étudiée sereinement et sans précipitation par la commission des droits de l’Homme suite au dépôt d’un projet de loi en janvier 2023 par un groupe de députés provenant de plusieurs partis.

PAS DE TOLÉRANCE POUR L’INTOLÉRANCE

Le point de départ de cette proposition est le constat que, malgré les nombreuses normes internationales, fédérales et cantonales contre les discriminations et le racisme, l’exhibition dans l’espace public de symboles nazis est autorisée. En effet, l’article 261bis CP qui interdit l’incitation

à la haine n’est pas applicable, car le Tribunal fédéral considère qu’il s’agit uniquement de l’expression d’une position individuelle. Ainsi, à la différence de nombreux pays européens, le salut hitlérien peut être fait impunément en Suisse. De même, les personnes taguant des croix gammées dans des lieux publics ne sont éventuellement inquiétées que pour dommage à la propriété.

Face à ce constat, la quasi- unanimité du Grand Conseil a considéré qu’il fallait combler cette lacune juridique. Dans la ville des droits de l’Homme, il n’est pas concevable de laisser s’exprimer librement dans l’espace public des idéologies qui sont la négation même de la dignité humaine. La présence de symboles nazis dans nos rues constitue un acte de violence inadmissible envers les personnes visées, mais également envers toute personne qui refuse qu'un être humain soit discriminé. Il se justifie donc de les interdire.

Dans la ville des droits de l’Homme, il n’est pas concevable de laisser s’exprimer librement dans l’espace public des idéologies qui sont la négation même de la dignité humaine.

UN ARTICLE CONSTITUTIONNEL LARGE

Une fois la décision de principe d’interdire l’exhibition de symboles nazies prises, il s’est agi de déterminer le moyen de le faire. Une majorité des députés ont suivi la volonté des initiateurs du projet de loi d’ancrer cette interdiction dans la Constitution principalement pour des motifs symboliques.

En contrepartie, il a été décidé d’élargir le champ d’application du texte afin que notre charte fondamentale continue à énoncer des principes généraux applicables largement. Ainsi, au lieu de cibler uniquement la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, le mandat donné à l’État est de lutter contre toutes les discriminations, ainsi que la haine (voir texte dans l’encadré). De même, l’interdiction ne se limite pas aux symboles nazis comme initialement proposé, mais s’étend à « l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi » dans l’espace public. Ainsi, des symboles racistes, comme la croix du Ku Klux Klan, seront aussi interdits.

S’agissant d’un article constitutionnel, le Grand Conseil devra adopter une loi d’application en cas d’acceptation populaire afin de mieux définir les symboles concernés et de fixer les sanctions en cas de non-respect de la norme. De plus, certaines exceptions pourront être prévues, par exemple pour des productions cinématographiques, culturelles ou des expositions comportant une évocation historique ou pédagogique.

POUR UNE MISE EN ŒUVRE RAPIDE

La prolifération de symboles nazis dans l’espace public genevois en lien avec la guerre au Proche-Orient confirme qu’il est nécessaire d’avoir une base légale claire pour les interdire. Convaincu qu’une société démocratique doit laisser la place au débat mais en aucun cas à la haine de l’autre, l’ensemble des députés PLR vous invite à soutenir cette modification constitutionnelle et s’engage à rapidement la mettre en œuvre dans une loi.

Art. 210A Cst./GE : Lutte contre les discriminations et la haine (nouveau)

  1. L’État met en œuvre une politique de lutte contre les discriminations et la haine.
  2. L’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi, est interdit dans les espaces publics. La loi règle les exceptions et prévoit des sanctions.


La présence de symboles nazis dans nos rues constitue un acte de violence inadmissible envers les personnes visées, mais également envers toute personne qui refuse qu'un être humain soit discriminé.