Loi genevoise sur les manifestations : on ne touche pas à la moindre virgule !

Par Murat Julian Alder

Adoptée en 2008, la loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu) a fait ses preuves. La gauche genevoise, estimant que la LMDPu est trop restrictive, a déposé en février 2020 un projet de loi permettant de l’assouplir. Revenir sur un régime qui fonctionne est absurde. Murat Julian Alder, député au Grand Conseil, nous détaille ici les raisons pour lesquelles il faut le maintenir en place, sans en modifier le moindre aspect.
 

La loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu) a été adoptée par le Grand Conseil le 26 juin 2008 et est entrée en vigueur le 1er novembre de la même année.

En réponse à diverses manifestations dans les années 2000, qui ont dégénéré de manière particulièrement violente, le Grand Conseil a imposé le principe selon lequel toute manifestation sur le domaine public doit préalablement faire l'objet d'une autorisation en bonne et due forme de la part du département en charge de la sécurité.

Certaines exigences supplémentaires, qui découlaient de la pratique dudit département, ont été formalisées dans le même texte légal en 2011 et acceptées en votation populaire le 11 mars 2012.

La gauche genevoise, aussi peu encline à exprimer de l’empathie pour les commerçants lésés qu’à condamner clairement les violences et les débordements ayant lieu en marge des manifestations, estime pourtant que notre législation en la matière s’avère excessive.

C'est pourquoi, en février 2020, des députés issus des Verts, d'Ensemble à gauche et du Parti socialiste ont déposé un projet de loi1 pour assouplir la LMDPu sur les cinq points suivants :

  • le régime de l'autorisation serait remplacé par une simple annonce ;
  • le délai d'annonce serait de 7 jours en lieu et place des 30 jours requis actuellement ;
  • aucun émolument ne serait prélevé pour les manifestations politiques ;
  • l’interdiction de revêtir une tenue destinée à empêcher l’identification serait levée ;
  • la police n'aurait plus le droit de communiquer de rapports sur les manifestations à l’OCPM afin d’éviter de pénaliser les manifestants sans statut légal.

En d’autres termes, la gauche veut revenir sur l’essence même de la LMDPu, ce qui revient à cautionner les violentes manifestations qui ont ravagé le domaine public genevois, notamment lors de la Conférence du G8 à Evian en 2003 ou du Sommet de l'OMC à Genève en 2009.

Une unique séance de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil aura suffi à convaincre une majorité de ses membres de la dangerosité, de l’inadéquation et de l’absurdité de cette loi2 .

En effet, dans son arrêt n° 1C_225/2012 du 10 juillet 2013, le Tribunal fédéral a reconnu que le principe de l’autorisation en matière de manifestations était pleinement compatible avec le droit constitutionnel fédéral et la Convention européenne des droits de l’Homme.

Ce faisant, notre Haute Cour n’a rien fait d’autre que de mettre en application le principe selon lequel la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres.

Il ne se justifie dès lors guère de revenir sur ce régime qui a fait ses preuves.

Par ailleurs, le 30 octobre 2022, la Cour des Comptes a publié un examen sommaire portant sur la mise en œuvre de la LMDPu 3.

Il ressort de cet examen que le nombre d'autorisations pour la réalisation de manifestations politiques dans le canton de Genève est progressivement passé de 290 en 2012 à 434 en 2019, ce qui représente une augmentation de 50 %.

La Cour des Comptes a également constaté que la facturation des émoluments, qui se situent dans une fourchette de CHF 20.- à 500.-, était équilibrée et raisonnable.

Elle a enfin conclu qu’elle n’avait pas « identifié d’éléments permettant de conclure que l’application de la LMDPu depuis 2012 aurait eu un impact majeur négatif sur le droit de manifester des citoyens ».

Les accusations de la gauche selon lesquelles la LMDPu et sa révision de 2012 auraient rendu plus difficile l’exercice du droit de manifester sont donc sans fondement.

Quoi qu’il en soit, pour le Parti libéral-radical, les choses sont très claires : on ne touche pas à la moindre virgule de la LMDPu !

Pour le Parti libéral-radical, les choses sont très claires : on ne touche pas à la moindre virgule de la LMDPu !
 

1 https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12651.pdf

2  https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12651A.pdf

3  https://cdc-ge.ch/publications/examen-sommaire-portant-sur-la-mise-en-oeuvre-de-la-loi-sur-les-manifestations-sur-le-domaine-public-lmdpu/