BRYAN LO GIUDICE : TU AS ÉTÉ ÉLU PREMIER CITOYEN DE LA VILLE DE GENÈVE, VILLE DE L'ONU, DES DROITS DE L'HOMME, COMMENT S'EST PASSÉ TA PREMIÈRE SÉANCE ET QU'EST-CE QUE TU AS RESSENTI LORS DES PREMIERS INSTANTS AU PERCHOIR ?
Pierre de Boccard : Beaucoup d'émotion, c'est une grosse charge et des sacrées responsabilités. Je ne pensais pas être aussi ému lors de l'élection. Il y a un travail important de représentation et des sollicitations que je reçois, avec les Nations Unies, les ONG et la population qui nous fait part de ses préoccupations. Il y a aussi mon rôle qui change, qui n'est plus d'être un municipal dans l'arène mais d'être le garant de la bonne tenue des débats ce qui veut dire parfois quelques cordiaux rappels à l'ordre.
COMMENT EST-CE QUE TU DÉCRIRAIS GENÈVE COMPARÉ AUX AUTRES VILLES COMME ZURICH, LAUSANNE ?
C'est une ville d'ouverture qui accueille beaucoup de gens de partout dans le monde. Il y a du passage, des rotations, et cela apporte une énergie incroyable et on le ressent plus qu'ailleurs. On le voit aussi dans les chiffres, nous sommes dynamiques sur le plan économique et nous avons un potentiel immense que nous devons encore apprendre à débloquer. Nous devons être plus ambitieux.
ON CONSTATE QUE DE PLUS EN PLUS D'ENTREPRISES, DE BANQUES, DE GROS CONTRIBUABLES QUITTENT LA VILLE DE GENÈVE AU PROFIT D'AUTRES COMMUNES. QU'EST-CE QUE CELA T'INSPIRE ?
La problématique c'est que quand vous êtes une entreprise et que vous ne vous sentez pas soutenu par une entité comme la Ville de Genève ou le Conseil Administratif, et bien vous partez. Beaucoup en ont marre d'être les « vaches à lait ». La ville a des rentrées financières extraordinaires, mais le cadre de vie ne suit pas.
LA VILLE DE GENÈVE EST UNE DES VILLES LES PLUS RICHES DU MONDE. NOUS AVONS DES SECTEURS COMME LA FINANCE OÙ LE NÉGOCE DE MATIÈRES PREMIÈRES QUI ONT ÉTÉ DE GROS CONTRIBUTEURS. MALGRÉ TOUT, CETTE SITUATION EXTRAORDINAIRE RESTE FRAGILE ET UN RIEN PEUT TOUT NOUS FAIRE PERDRE. TE FAIS-TU DU SOUCI POUR L'AVENIR ?
Je considère que la stabilité est l'or de la Suisse. Sa stabilité politique mais aussi fiscale. Quand une personne arrive chez nous, elle sait qu'elle a une visibilité pour elle et son entreprise qui se compte en décennies. Mon inquiétude se porte donc plus sur les attaques répétées de la gauche qui n'hésite pas à tout mettre en péril au nom de leur idéologie. La gauche ne comprend pas que les contribuables sont mobiles. À la fin, ce sont les prestations à la population qui vont être impactées.
PARLONS MAINTENANT DE MOBILITÉ. IL Y A UN FORT CLIVAGE SUR CES QUESTIONS. TU ES TOI-MÊME CYCLISTE. GENÈVE A UN GRAND PROJET D'ENVERGURE, LA TRAVERSÉE DU LAC. EST-CE QUE ÇA RESTE SELON TOI LE PROJET PHARE DE LA MOBILITÉ ?
Oui. Mais nous savons que nous ne verrons rien avant des années. Il y a donc d'autres problèmes à régler rapidement comme la séparation des flux. On a mis les bus, les voitures, les vélos, au même endroit sans réfléchir. Il faut repenser tout ça. Même les TPG sont bloqués aujourd'hui. Il faut aussi remettre le piéton au centre car nous sommes d'abord des piétons et nous devons nous entasser sur des petits trottoirs où on se marche dessus.
DU COUP, FAUT-IL PUREMENT ET SIMPLEMENT PIÉTONNISER L'HYPER CENTRE ?
Oui, nous devons le faire. On avait une chance avec le projet de Rive, mais le parking était le seul point du débat. Il y a aussi quelque chose à faire du côté de Manor et sur la rue de Rhône. Dans n'importe quel pays cette rue serait piétonisée et les bus mis sur un autre axe. Ces changements permettraient aussi d'améliorer la sécurité.
PASSONS À LA SÉCURITÉ JUSTEMENT. LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ AUGMENTE. NOUS RESTONS UNE VILLE SÛRE MAIS ON ENTEND À NOUVEAU PARLER DE CETTE PROBLÉMATIQUE DE LA PART DES CITOYENS, DES COMMERÇANTS, DES TOURISTES. TE SENS-TU EN SÉCURITÉ À GENÈVE ?
Oui, mais la situation se dégrade. Il y a de plus en plus d'incidents, de vols, d'agressions. La police cantonale et la police municipale doivent être plus présentes sur le terrain. La justice doit aussi être plus rapide et efficace notamment dans l'exécution des peines.
SUR L'ÉCOLOGIE, AU MOMENT OÙ NOUS NOUS PARLONS IL FAIT TRÈS CHAUD. LES VILLES SONT DES STRUCTURES TRÈS MINÉRALES ET LE CHANGEMENT CLIMATIQUE A DÉJÀ DES CONSÉQUENCES RÉELLES. COMMENT NOUS PRÉPARER ?
Il faut que chaque futur projet déposé prenne en compte cette problématique et l'aménagement doit être fait en conséquence comme je l'ai proposé avec une arborisation de la rue de Montchoisy qui va dans le sens d'une végétalisation plus importante de nos quartiers. J'avais déjà soulevé la problématique pour la place des Grottes. La Promenade de Saint-Antoine est un exemple à suivre.
FINALEMENT C'EST UNE CHANCE D'AVOIR LE LAC…
Oui. Nous pouvons en profiter notamment avec la plage des Eaux- Vives mais nous devons continuer sur cette lancée partout où c'est possible et avec le niveau de sécurité requis.
POUR CEUX QUI NE SONT PAS ADEPTES DU LAC IL Y A LA POSSIBILITÉ DE PROFITER DE L'OFFRE CULTURELLE. LA VILLE DONNE LE « LA » EN LA MATIÈRE, LARGEMENT PLUS QUE LE CANTON.
La culture est dirigée à la ville et au canton par deux socialistes, espérons qu'ils sauront se mettre d'accord. Pour ma part je suis un peu déçu quand j'entends que sur le MAH par exemple il faut « trouver un compromis » qui relève plus de la solution « moitié- moitié ». Non, il faut une vraie vision d'envergure et devenir une référence européenne.
DERNIER SUJET QUE NOUS TRAITERONS AUJOURD'HUI ET OÙ TU AS UN AVIS ASSEZ TRANCHÉ CE SONT LES CRÈCHES, DIS-NOUS-EN PLUS
Le prix des crèches ainsi que leur nombre est un véritable problème et cela chamboule complètement la vie des jeunes parents. Je considère que, tout comme les places à l'école, celles en crèche doivent être comprises dans les prestations de base payées par nos impôts. Certains diront que c'est un coût. Pour moi, c'est un investissement et surtout un véritable coup de pouce pour les familles.