DOSSIER : Budget 2026, le temps des cigales est révolu !

Par Yvan Zweifel, Député au Grand Conseil

Après une période faste entre 1998 et 2024 où Genève s’est massivement enrichie grâce aux conditions cadres attractives que la majorité de droite a mises en place, notre canton fait aujourd’hui face à une grave crise budgétaire. Yvan Zweifel, député au Grand Conseil, explique à nos lecteurs les origines de cette crise et la réalité budgétaire à laquelle Genève doit se confronter en 2026.

« La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue »

Qui ne connait pas la première strophe de cette célèbre fable de La Fontaine ?
En théorie personne, en réalité toute la gauche genevoise et, malheureusement, une majorité tant du Conseil d’état que du Grand Conseil.

 

« Le PLR a longtemps prêché dans le désert en expliquant que c’est justement en période de beau temps économique qu’il faut faire des réserves et initier des réformes pour les potentielles crises futures. »

 

Des charges qui ont explosé

Il est bon ici de rappeler quelques éléments chiffrés : entre 1998 et 2024, la population genevoise a augmenté de 32 %. Dans le même laps de temps, les charges de l’État ont explosé avec une hausse de 88 %, soit presque trois fois plus que la population.

Des conditions cadres attractives ont enrichi Genève

Cela n’a posé problème à personne, car Genève s’est massivement enrichie sur cette même période grâce aux conditions cadres attractives que la majorité de droite, sous l’impulsion du PLR, a mis en place, notamment trois importantes baisses d’impôts : en 2000 avec la baisse de 12 % pour les personnes physiques, en 2009 avec l’introduction du splitting pour les couples mariés et la mise en place du bouclier fiscal, et en 2019 avec la réforme de l’imposition des entreprises. Ces conditions cadres ont vu les recettes fiscales du canton passer de 3,6 milliards en 1998 à 9,3 milliards en 2024, soit une hausse de 160 % !

La nécessité de faire des réserves

Comme pour la fable de La Fontaine, le PLR a longtemps prêché dans le désert en expliquant que c’est justement en période de beau temps économique qu’il faut faire des réserves et initier des réformes pour les potentielles crises futures et donc pour y faire face. Personne ne nous a écoutés, ni le gouvernement, ni le parlement, ni l’administration. Et c’est aujourd’hui, lorsque la conjoncture économique se retourne, que nous nous apprêtons à foncer dans le mur de la réalité budgétaire avec des charges en hausse linéaire et continue et des revenus très fluctuants qui baissent maintenant.

Une vraie crise des dépenses

À ce titre, le Canton de Genève, au lieu de copier la France, qui ne connait que des déficits depuis 1975, soit 50 ans à dépenser, chaque année, plus qu’elle n’encaisse, devrait plutôt regarder comment fonctionne le reste de la Suisse. Comment est-il possible que le taux de dépenses en personnel soit 31 % plus élevé à Genève qu’à Zurich ou 79 % plus élevé qu’à Bâle-Ville ? Pourquoi Genève (canton + communes) dépense-t-il 8500 francs de plus que Zurich par habitant et par année et 8200 de plus que le canton de Vaud sans que la population zurichoise ou vaudoise soit moins bien traitée que la genevoise ?

Et que dire de cette même gauche dont la seule analyse consiste à dire que le déficit est dû à la baisse d’impôts votée par le peuple l’année passée. Les chiffres sont pourtant têtus : malgré cette baisse, calculée à son maximum dans le budget 2026, sans tenir compte des effets induits de redistribution de l’argent économisé par les contribuables, les recettes fiscales des personnes physiques sont prévues en hausse de 2,3 %, soit plus que l’augmentation de la population. Nous n’avons aucun problème de recettes, mais une vraie crise des dépenses que plus personne n’arrive à freiner.

Un exemple symptomatique : les subsides d’assurance-maladie

Un seul exemple est symptomatique de cette escalade infinie des charges de l’État, celui des subsides d’assurance-maladie. En 2019, lors de la votation sur la RFFA (réforme de l’imposition des entreprises), un accord entre la droite et la gauche prévoyait un mécanisme identique à celui qui a prévalu au niveau fédéral, soit que pour un franc mis dans la réforme fiscale, un franc serait mis dans le social. L’AVS au niveau fédéral et les subsides d’assurance-maladie au niveau genevois. Ainsi, cet accord prévoyait une hausse de ces subsides de 186 millions, soit l’équivalent du coût statique estimé de la réforme fiscale.

Ces subsides auraient donc dû passer de 336 millions (situation en 2018) à 522 millions (+ 186 millions). Qu’en est-il aujourd’hui : et bien la réforme fiscale n’a évidemment rien coûté, mais a, au contraire, rempli les caisses de l’État, alors que les subsides d’assurance-maladie se montent, dans le budget 2026 à 765 millions, donc 429 millions de plus
(+ 128 %). Le peuple avait pourtant préféré, lors du vote de mai 2019, le contre-projet à l’initiative socialiste 170, ceci précisément pour ne pas voir les budgets de l’aide sociale exploser, alors que c’est exactement ce qui s’est passé. Pour être précis, la RFFA aura vu les recettes des personnes morales augmenter de 56 % entre 2019 et 2024, alors que les subsides d’assurance-maladie n’ont pas augmenté dans la même ampleur, mais de 145 % ! Le peuple a donc été trompé !

 

Une réalité qui nous rattrape

« Que faisiez-vous au temps chaud ?

Dit-elle à cette emprunteuse.

— Nuit et jour à tout venant

Je chantais, ne vous déplaise.

— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.

Eh bien ! Dansez maintenant. »

 

Aujourd’hui, cette réalité que nous décrivons depuis tant d’années nous rattrape et le bon sens doit enfin s’imposer. Le temps des cigales est révolu !