VOTATION FÉDÉRALE : Limites planétaires et durabilité : pourquoi le NON à l’IN sur la responsabilité environnementale s'impose ?

Par Simone de Montmollin, Conseillère Nationale

La responsabilité d’agir, le devoir également, pour un développement durable et la protection de l’environnement sont garantis par notre Constitution fédérale (articles 73 et 74). L’initiative populaire des jeunes vert-e-x-s pour « la responsabilité environnementale » veut imposer des délais et des objectifs drastiques afin de réduire notre impact environnemental en 10 ans. Il en résulterait une limitation disproportionnée de nos activités économiques. Simone de Montmollin, Conseillère nationale, nous explique pourquoi il convient de refuser cette initiative qui met en péril notre prospérité et la justice sociale.

« Compte tenu des délais et des restrictions disproportionnées qu’elle imposerait, cette initiative mettrait en péril notre prospérité et la justice sociale qui en découle. »

Il est indéniable que les activités humaines affectent l’environnement, et en tant que législateurs, nous avons la responsabilité d’agir pour limiter ces impacts. Agir est non seulement notre responsabilité mais également notre devoir, inscrit dans notre Constitution fédérale, notamment aux articles 73 et 74 relatifs au développement durable et à la protection de l‘environnement. La mise en œuvre de ces deux articles signifie que les limites planétaires, en tant que concept, doivent être respectées.

L’initiative populaire des Jeunes Vert-e-x-s pour « la responsabilité environnementale » veut aller plus loin, et graver dans le marbre de notre Constitution le devoir de limiter nos activités économiques, en Suisse et à l’étranger, pour que d’ici 10 ans, notre impact environnemental ne dépasse pas les limites planétaires rapportées à notre population. La Confédération et les cantons devraient s’assurer que les mesures soient socialement acceptables en Suisse et à l’étranger. L’initiative est en revanche muette sur les moyens pour y parvenir.

Compte tenu des délais et des restrictions disproportionnées qu’elle imposerait, cette initiative mettrait en péril notre prospérité et la justice sociale qui en découle ; elle saperait notre capacité à financer cette transition.

Faut-il donc modifier la Constitution ?

Le Conseil fédéral, comme le Parlement, ont estimé que non. D’abord, parce que le cadre légal actuel permet déjà la mise en œuvre du concept de limites planétaires, intégré dans les rapports sur l’environnement depuis 2018. Ensuite car le délai et les objectifs imposés ne respectent ni le principe de proportionnalité ni celui de la durabilité. Enfin, en posant des limites à l’économie, sans considération pour les acteurs économiques eux-mêmes, elle est contraire au principe de durabilité ancré dans notre Constitution, fondé sur trois piliers : environnement, économie, social. Introduire une disposition constitutionnelle sans pouvoir garantir sa mise en œuvre serait inévitablement source de litiges et blocages.

Toutes nos politiques et stratégies tiennent compte de la durabilité de nos actions, de notre empreinte environnementale, et donc, in fine, visent les objectifs de cette initiative.

Un contre-projet direct voulait supprimer le délai de 10 ans

Ce contre-projet direct des Vert-e-x-s a été refusé par le Parlement car il vidait de sens l’objectif central de l’IN affiché par les initiants : celui de l’urgence.

Les initiants indiquent dans leur argumentaire que « la seule façon de pouvoir encore maîtriser la crise climatique et l’extinction des espèces serait d’agir de manière décisive dans les 10 ans, car jusqu’à présent, c’est le manque de volonté politique qui est la cause de tous les retards dans ce domaine. »

  • Récolter des signatures avec comme argument principal l’urgence d’imposer un délai de 10 ans afin de contrer le manque de volonté politique, pour ensuite proposer un contre-projet direct qui supprime ce délai, avec comme argument qu’il n’y a pas de volonté politique pour le respecter, a quelque chose de contre-intuitif sinon de contradictoire.

Des contradictions, il y en a d’ailleurs déjà dans le texte lui-même : d’une part l’IN délègue à la Confédération et aux cantons le soin de garantir l’atteinte des objectifs dans les 10 ans mais leur impose en même temps de tenir compte de l’acceptabilité sociale en Suisse et à l’étranger des mesures qu’ils prendront.

  • ll n’y a pas « d’acceptabilité sociale » sans « acceptabilité économique ». La charge économique de la transition doit être supportable pour tous les acteurs et toutes les classes sociales. C’est le principe même de la durabilité. Cette préoccupation ne figure pas dans l’IN, et c’est là sa grande faiblesse.

Le PLR, en revanche, met cette responsabilité sociale au centre de ses actions, tout en respectant les « temps » démocratiques, nécessaires à l’acceptation de tout processus de changement.

  • Alors là où les initiants voient un « manque de volonté politique », il faut surtout y voir la marque de respect envers les trois piliers de la durabilité et envers notre processus démocratique, fondé sur le consensus. Cela suppose de prendre en considération différents facteurs permettant de trouver le meilleur équilibre.

En proposant ce contre-projet, les Vert-e-x-s n'ont pas pour autant renoncé à l'initiative, cherchant plus à provoquer le débat qu’à proposer des solutions concrètes.

« En posant des limites à l’économie, sans considération pour les acteurs économiques eux-mêmes, elle est contraire au principe de durabilité ancré dans notre Constitution, fondé sur trois piliers : environnement, économie, social. »

Que resterait-il de l’IN sans le délai de dix ans ?

Eh bien, la partie qui ne nécessite pas de modification constitutionnelle. Et pour laquelle tant le Conseil fédéral que le Parlement s’engagent déjà activement : à savoir une transition vers une société résiliente, qui place au centre la durabilité de ses actions. On rappellera ici que :

  • Le développement durable et la préservation des ressources figurent dans plusieurs articles de la Constitution fédérale, notamment aux articles 2, 54, 73, 74, 104 et 104a.
  • Des objectifs contraignants ont été fixés, comme par exemple la loi sur le climat et l'innovation imposant l'objectif de zéro net émission en 2050, la loi sur l’approvisionnement en électricité reposant sur des énergies renouvelables, la loi sur le CO2 (qui impacte significativement le parc véhicules et l'aviation) ou encore les nouvelles dispositions sur l’économie circulaire pour lutter contre l’énergie grise et favoriser l’économie des ressources.
  • La Suisse s’est dotée de politiques ambitieuses en faveur de la nature, de la biodiversité, des eaux, de l’air, du sol, de l'agriculture, de l'aménagement du territoire, des transports, etc.
  • Les stratégies et objectifs sont mis en œuvre grâce à des plans de mesures concrets, financés sans peser démesurément sur les citoyennes et citoyens.

Le NON s’impose

Grâce aux mesures déjà prises, notre empreinte globale par personne a diminué d’environ 30 % en 25 ans. Si les inquiétudes des jeunes pour leur avenir est légitime, nous ne voulons pas, à la faveur d’une initiative déposée opportunément en année électorale, remettre en question le chemin pris. Des mesures drastiques mettraient en péril notre économie et saperaient notre capacité à financer cette transition durablement.

Un équilibre entre promotion de politiques incitatives, d’innovations et de coopération internationale nous offre des conditions plus efficaces pour mettre en œuvre le concept de limite planétaire durablement, qu'en imposant de manière unilatérale des mesures précipitées. Nous devons maintenir le cap fixé et ne pas ménager nos efforts pour atteindre nos objectifs.

« Grâce aux mesures déjà prises, notre empreinte globale par personne a diminué d’environ 30 % en 25 ans. »