FOCUS : Pour une politique culturelle libre et responsable (Première partie)

Par Geoffrey Marclay, Conseiller municipal
 

Cet article est le premier volet d’un diptyque consacré à la politique culturelle à Genève. Il s’attache à en poser les fondements philosophiques et les principes directeurs : la liberté de création, la responsabilité publique et l’exigence artistique. Le second volet, à paraître prochainement, abordera la mise en œuvre concrète de ces principes - la gouvernance, les outils et les équilibres nécessaires pour construire un écosystème culturel durable.

À Genève, la culture est partout : dans nos musées et nos théâtres, mais aussi dans nos bibliothèques communales, nos sociétés de musique, nos associations locales. Elle irrigue la vie quotidienne, nourrit la cohésion sociale et contribue au rayonnement international de notre canton.

Pourtant, trop souvent, la politique culturelle se limite à additionner des subventions sans vision d’ensemble. Or, la culture mérite mieux qu’une gestion comptable. Elle exige une stratégie claire : garantir la liberté de création, assurer la transparence dans l’utilisation des fonds publics, encourager l’innovation et renforcer la diversité des acteurs.

Parce qu’elle est à la fois un levier démocratique, un facteur de prospérité et un bien commun, la culture doit être pensée comme une responsabilité politique majeure. Elle n’est pas une faveur accordée, mais une condition de la liberté et du vivre-ensemble.

La culture, indépendante de toute récupération

La culture ne doit pas être instrumentalisée. Elle ne peut pas devenir l’outil d’un parti, d’une idéologie ou d’un agenda politique. Chaque fois que l’art est réduit à une fonction de propagande, il perd son sens profond : celui d’émanciper, d’ouvrir des horizons, de questionner la société.

Préserver l’indépendance de la culture, c’est garantir que la création reste libre et plurielle. C’est permettre à des approches différentes, parfois contradictoires, de coexister dans un même espace. Cette diversité est une richesse : elle nourrit le débat public, stimule l’esprit critique et renforce le pluralisme démocratique.

Une politique culturelle responsable doit donc veiller à maintenir cette indépendance. L’État doit soutenir, accompagner, créer des conditions favorables, mais il ne peut ni imposer des contenus, ni favoriser certains courants au détriment d’autres. C’est dans cet équilibre entre liberté et soutien que la culture peut jouer pleinement son rôle de bien commun, accessible à toutes et à tous.

Un investissement social et économique

La culture n’est pas une dépense superflue : elle est un investissement dans la démocratie, la cohésion et la prospérité. Elle rapproche les générations, favorise l’intégration, nourrit l’esprit critique et crée des liens sociaux. Mais elle est aussi un secteur économique à part entière. L’étude « Les empreintes créatives. Une étude de l’impact des industries culturelles et créatives à Genève » publiée en 2023 montre que ces activités représentent près de 8 % de l’économie cantonale et emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui en fait un acteur majeur du tissu genevois.

Au-delà des chiffres, l’effet d’entraînement est considérable : un musée ou un festival ne génère pas seulement des billets d’entrée, il attire aussi des visiteurs qui fréquentent restaurants, hôtels et commerces. La culture agit ainsi comme un multiplicateur économique, tout en renforçant l’image et l’attractivité internationale de Genève.

On ne le répétera jamais assez : une politique culturelle responsable n’est pas une charge, mais un moteur de vitalité civique, d’innovation et de dynamisme économique. Elle constitue un levier stratégique pour faire rayonner Genève et garantir notre place dans un monde en constante mutation.

Accessibilité et exigence

La culture doit être ouverte à toutes et à tous, sans barrière sociale ou géographique. Mais ouverture ne signifie pas complaisance. Elle doit aussi rester exigeante : capable d’élever, d’interroger, parfois même de déranger. Le rôle d’une politique culturelle responsable n’est pas de transformer la culture en produit de consommation courante, mais de permettre à chacun d’accéder à ce qu’elle a de plus riche et de plus formateur.

C’est cette tension féconde, entre ouverture et exigence, qui permet à la culture d’être véritablement émancipatrice.

Une politique culturelle libre et exigeante n’a de sens que si elle repose sur une gestion publique claire, une coordination efficace et un écosystème ouvert à tous les acteurs. C’est ce que nous explorerons dans le second volet de ce diptyque : comment rendre la culture genevoise durable, lisible et vivante.