Ouverture dominicale des magasins : Interview de Sébastien Aeschbach, Directeur des Chaussures Aeschbach, Membre du Comité de Genève Commerces

Par la rédaction, 

Les citoyens genevois devaient se prononcer sur la loi modifiant les heures d’ouverture des magasins (LHOM) le 30 novembre prochain. Le Conseil d’État a décidé, de manière exceptionnelle, l’annulation du scrutin car la LHOM n’est pas conforme au droit supérieur.

En effet, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt du 4 septembre jugeant que la LHOM ne peut pas subordonner l’ouverture des commerces à une convention collective de travail (CCT). Cette mesure de protection des travailleurs n’y a pas sa place, la LHOM étant une législation de police qui vise avant tout la tranquillité publique. La disposition disputée ne doit donc pas figurer dans la LHOM. Mon Repos enjoint ainsi Genève à revoir sa copie et clarifier la situation.

Dans le cadre de cette votation, nous avions réalisé une interview de Sébastien Aeschbach, directeur des Chaussures Aeschbach. L’ouverture des magasins le dimanche étant un sujet d'actualité à Genève, faisant régulièrement partie du débat politique, nos lecteurs ont le plaisir de découvrir cette interview dans notre édition du mois de novembre.

« Ces ouvertures participent au dynamisme d’un secteur en difficulté, à qui nous pouvons offrir un ballon d’oxygène. »

Le commerce genevois souffre, quelles en sont les raisons ?

Il y a d’abord les raisons structurelles que sont la concurrence de l’e-commerce et du commerce transfrontalier. À cela s’ajoutent des problématiques d’accessibilité au centre-ville avec les défis de la mobilité et de trop nombreuses manifestations, ainsi que des chantiers de grande ampleur, qui ont un impact extrêmement néfaste sur l’attractivité du commerce genevois. L’exemple des travaux de la rue de Carouge est criant : de nombreux commerces n’y survivront pas, malgré les aides.

A la tête d’une entreprise de commerce de détail, quels défis anticipez-vous pour les prochaines années ?

Un premier défi est lié à la conservation du pouvoir d’achat des consommateurs. L’augmentation continue des charges, au premier rang desquelles l’assurance maladie, crée un trou dans le budget des ménages, ce qui a bien évidemment un impact sur la consommation. Le deuxième défi est celui de l’évolution des comportements de consommation : jusqu’à présent, nous parlions beaucoup de la concurrence de l’e-commerce ; nous parlerons bientôt d’achats assistés par IA. Nos équipes de vente devront savoir s’adapter à ces nouvelles tendances.

Pensez-vous que votre clientèle répondrait favorablement à une ouverture de vos magasins le dimanche ?

Absolument, et nous l’avons d’ailleurs expérimenté à plusieurs reprises, la dernière fois en décembre 2024. Les clients étaient au rendez-vous malgré l’annonce extrêmement tardive de l’ouverture.

Vos magasins étant directement concernés, quels seraient, selon vous, les effets positifs de ce changement législatif ?

Ancrer ces deux ouvertures dominicales annuelles dans la loi permettra aux commerces et leurs équipes de planifier ces événements et d’accueillir au mieux leur clientèle. Forger une habitude prend du temps, or nous avons eu de nombreux revirements ces dernières années.

Que répondez-vous aux détracteurs qui affirment qu'une ouverture dominicale dégraderait les conditions de travail des employés ?

J’avoue avoir un peu de peine à comprendre cet argument. Le personnel est payé à double le dimanche. Le travail se fait sur la base du volontariat, et les heures travaillées sont compensées intégralement. Il n’y a donc pas une seule heure travaillée en plus, pour un salaire plus élevé. J’ajoute que la bonne santé des entreprises du commerce permet de conserver les emplois.

Quelles adaptations organisationnelles cela impliquerait-il pour vos magasins ?

Nous sommes constamment en train de planifier des horaires, cela ne représente donc pas un défi en soi. Nous commençons par demander à nos collaboratrices et collaborateurs s’ils souhaitent travailler le ou les dimanche(s) concerné(s). Cela nous permet d’établir des listes de personnes disponibles. L’an dernier, nous avions eu plus de candidats que de places. Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions engagé des étudiants pour pouvoir servir notre clientèle.

L’ouverture dominicale profiterait-elle davantage aux grandes enseignes qu'aux petits commerces ?

Il n’y a pas lieu de les opposer. Les grandes enseignes jouent un rôle important dans l’attractivité générale du secteur. Plus dense est la concentration de commerces ouverts, meilleure va être la performance de tous les commerces, grands comme plus petits.

L’ouverture dominicale des commerces est un sujet sensible à Genève et plusieurs votations n’ont pas abouti :  comment expliquez-vous les réticences de certains Genevois ?

Il y a eu trois votations sur le sujet. Deux ont été remportées, une a été perdue, et c’était malheureusement la dernière, sur un sujet un peu plus complexe puisqu’il impliquait l’extension à 19h des horaires d’ouverture du samedi. L’objet en votation est plus modeste et extrêmement simple : deux dimanches, pas plus, avec une protection des vendeuses et vendeurs qui va bien au-delà de la loi fédérale.

Pour conclure, quel argument avanceriez-vous afin de convaincre les récalcitrants à l’ouverture des magasins deux dimanches par an ?

Nous parlons d’une solution très équilibrée entre le besoin des commerçants, petits et grands, la protection des employés et l’intérêt des clients. Ces ouvertures participent au dynamisme d’un secteur en difficulté, à qui nous pouvons offrir un ballon d’oxygène.