Votations municipales / Ville de Genève : NON à l’achat de la « Villa Zep »

Par Michèle Roullet, Conseillère municipale
 

En novembre 2024, le Conseil municipal a ouvert un crédit de CHF 22 050 000.- afin d’acquérir la maison de maître et son terrain du célèbre bédéiste Zep. Le PLR s’oppose à cet achat au coût exorbitant. Michèle Roullet, conseillère municipale, revient pour notre journal sur cette acquisition inutile et coûteuse, et sur la réalité pratique d’une demeure et d’un terrain quasiment impossibles à aménager pour une utilisation par les citoyens de la Ville de Genève.

Le 27 novembre 2024, le conseil municipal a voté dans l’urgence l’achat de la « Villa Zep » sise à l’avenue d’Aïre. Le propriétaire clamait devoir impérativement céder son bien avant la fin de l’année, car il avait un autre acheteur qu’on attend toujours... Le référendum contre l’achat de cette maison de maître ayant abouti, les électeurs de la Ville se prononceront sur cette transaction immobilière pour laquelle le PLR, Le Centre, les Verts/Libéraux et l’UDC s’étaient opposés pour les raisons suivantes :

  • C’est un achat insensé

La Ville n’a pas de projet d’affectation avec cette propriété de prestige, hormis des chimères : en faire un parc, des logements pour étudiants ou migrants, des résidences d’artistes, des chambres d’hôtes, une auberge de jeunesse, un pseudo-musée (du climat, de la créativité) alors que cette demeure resterait inaccessible aux personnes à mobilité réduite. Précisons que ces affectations ne seraient certainement pas autorisées, car cette demeure patricienne du XVIIIe siècle, est classée au niveau cantonal et inscrite à l’inventaire fédéral des sites d’importance nationale à protéger. Ces contraintes patrimoniales strictes rendront difficile, voire impossible, tout aménagement nécessaire à l’ouverture des lieux au public.

  • Ce domaine n’est pas un parc

Certains rêvent d’aménager un parc dans cette propriété. Or, la réalité du terrain est tout autre. Outre la maison de maître, le domaine comprend une allée arborisée, une piscine (qu’il faudra démolir pour des raisons de sécurité), une forêt broussailleuse, des haies et un vignoble de près de 8000 m² sur une pente de 17 %. Sur les 34'000 m² du domaine, plus de 20'000 m² sont en zone de protection de la nature et du paysage. Aussi, la surface potentiellement aménageable est dérisoire. À titre de comparaison, le Parc Bertrand est de 111'000 m² et le Parc de la Grange de 203'000 m². Enfin, rien ne permet de garantir que ce terrain agricole pentu puisse être transformé en parc. Il faudrait arracher la vigne, ce que l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature (OCAN) pourrait refuser, puis potentiellement dépolluer les sols du cuivre utilisé en viticulture.

« Ce terrain ne se prête pas à la configuration voulue d’un parc accessible à la population. Seule l’allée arborisée à l’entrée de la parcelle pourrait devenir un lieu de promenade. »

  • Sur dix ans, c’est un coût estimé à 50 millions

La Ville n’a présenté aucune estimation des frais liés à cet achat. Cela montre l’incohérence de la gestion financière de la Ville qui veut acquérir un bien immobilier sans en étudier les conséquences budgétaires et sans savoir qu’en faire ! Au prix de vente, fixé finalement à 21,5 millions, il faudra ajouter les coûts induits par cette acquisition, qui se monteraient à 50 millions sur dix ans, en tenant compte de l’achat du domaine, des travaux onéreux liés aux contraintes patrimoniales, de l’achat de véhicules pour le terrain, de l’engagement de 5 jardiniers (comme l’avait annoncé Mme Perler à la commission des finances) et des frais d’amortissement.

  • C’est une atteinte à la biodiversité

Ce terrain ne se prête pas à la configuration voulue d’un parc accessible à la population. Seule l’allée arborisée à l’entrée de la parcelle pourrait devenir un lieu de promenade. Mais, au vu de sa surface, le brin d’herbe serait le plus cher du monde ! Ceux qui soutiennent ce projet d’achat prétendent qu’en devenant propriétaire, la Ville préservera un écrin de verdure. Mais, c’est un mensonge, puisque sur cette parcelle aucune construction n’est possible. Il ne s’agit donc pas de sauvegarder un espace vert, car celui-ci existe et est protégé ! En revanche, en arrachant une vigne, en débroussaillant une forêt, en construisant des chemins sinueux sur ce terrain pentu et en laissant le public le piétiner, la biodiversité sera menacée. Laissons donc intact ce poumon de verdure et de tranquillité aux riverains sans leur imposer les soirs de « bottellons » (beuveries sauvages) des cris et hurlements sous leurs fenêtres.

  • C’est une maison pour une famille

Cette maison patricienne, conçue pour une famille, est composée de trois salons en enfilade, assez grands, mais insuffisamment pour y accueillir un large public. De surcroît, en raison de sa proximité avec des immeubles d’habitation, les besoins de sécurité ne pourraient être assurés lors de rencontres de hauts niveaux. D’autres demeures de prestige, notamment la Villa La Grange, remplissent déjà cette fonction. Quant à la Genève internationale, avec les difficultés qu’elle traverse actuellement, elle n’a nul besoin de la « Villa Zep » ! Que cette maison reste habitée par une famille qui saura mieux la protéger que la Ville de Genève qui possède de nombreuses propriétés et villas de maîtres souvent inutilisées, qu’elle ne parvient pas à entretenir, et qui finissent par devenir des bureaux comme la Maison Concorde ou l’ancien musée de l’Horlogerie.

  • C’est une folle dépense dont il faut examiner les desseins

La « maison Zep » a enivré des élus de la Ville de Genève. Pour la gauche, cet achat renchérirait la fortune de la Ville (sic!), permettrait de « municipaliser le sol », « de soustraire ce domaine à la privatisation ! » et, pour le MCG, de soustraire la propriété à un acquéreur privé probablement étranger. Bref, que de «bonnes» raisons ! Mais, parions que si le propriétaire n’était pas le célébrissime père de Titeuf, l’engouement pour acheter ce domaine n’aurait pas été pareil...

  • Votons NON à ce délire

Cette parcelle doit rester privée, puisque la Ville n’en a aucune utilité, et qu’un riche propriétaire amènerait des recettes fiscales dont la Ville a tant besoin pour rénover ses immeubles délabrés (comme Cité Jonction) et investir dans les crèches, le parascolaire et assurer ses prestations sociales et culturelles. Avec un déficit de 62 millions prévu pour son budget 2026 et une dette qui atteint presque 2 milliards, la Ville de Genève a d’autres urgences que de jouer au promoteur immobilier ! Et, plutôt que de se lancer dans des plans fumeux et ruineux, elle doit privilégier les projets qui soutiennent les finances publiques. Enfin, n’ayant signé aucune promesse d’achat pour la « Villa Zep », la Ville n’aura aucun dédommagement à verser au propriétaire si la population refuse cet achat.

Votons donc NON à l’achat inutile et coûteux de la « Villa Zep » dont les contribuables paieront le prix pendant des années.