Le 28 septembre, nous voterons sur l’initiative 180, intitulée « Pour + de logements en coopératives », portée par le Groupement des coopératives d’habitation genevoises. Derrière ce titre séduisant se cache un texte aux méthodes excessives, et qui loin de résoudre la crise du logement risque au contraire de l’aggraver. Diane Barbier-Mueller, députée au Grand Conseil, nous expose les raisons pour lesquelles cet objet mérite notre forte mobilisation pour exposer les vrais enjeux de ce vote.
Que demande l’initiative ?
L’objectif affiché est d’atteindre, d’ici 2030, un minimum de 10 % de logements coopératifs dans le parc immobilier genevois. Cela représente la création de 11 000 logements en cinq ans. Pour y parvenir, l’initiative exige que l’État et les communes renforcent leur utilisation de la préemption (aujourd’hui fortement encadré et dont le recours reste exceptionnel), l’expropriation et le Fonds pour le logement d’utilité publique (Fonds LUP) pour acquérir des terrains. Ces terrains seraient ensuite remis en droit de superficie à des coopératives.
Ce mécanisme ouvrirait la porte à un mouvement d’étatisation du sol sans précédent à Genève, en instaurant une forme de monopole coopératif sur le développement de nouveaux logements.
Une réponse inadaptée aux vrais besoins
Depuis plus de dix ans, le groupe PLR demande régulièrement, par voie de motions, que l’État identifie clairement les besoins réels en matière de logement. Ces demandes ont été systématiquement ignorées, arguant de la complexité du dossier.
Sans ces données, comment justifier de ne construire quasiment plus que des coopératives ? En moyenne, Genève construit 2500 logements par an. Les 11 000 logements visés par l’initiative, d’ici 2030, absorberaient ainsi presque toute la capacité annuelle de construction du canton. Ce serait imposer un modèle unique, alors que les attentes des Genevois sont diverses et que la coopérative ne convient qu’à une minorité.
L’initiative ne répond clairement pas à l’intérêt public de maintenir une politique du logement diversifiée et risquerait au contraire d’exacerber d’autant plus la pénurie de logement.
La réalité des logements coopératifs d’État
Contrairement à l’image solidaire souvent véhiculée, les coopératives imposées par l’IN 180 ne sont pas des communautés ouvertes à tous. Ce sont des structures lourdes, complexes et exclusives, soumises à une multitude de règles publiques et privées. Et surtout, elles ne créent pas de logements supplémentaires. En imposant l’usage de la préemption, de l’expropriation et du fonds LUP, l’initiative contraint l’État à ne produire que des logements d’utilité publique (LUP) – des logements sociaux strictement encadrés, soumis à des plafonds de revenus et à des critères d’occupation. Ce choix de modèle unique remplace les logements sociaux classiques (comme les HBM) par des logements coopératifs du même segment social (LUP), sans en augmenter le volume global. Les Genevois n’y gagneraient donc aucun logement en plus, mais seraient confrontés à une offre appauvrie, moins diversifiée et moins adaptée aux besoins réels – en particulier ceux des ménages les plus modestes.
Pour un modèle censé offrir des logements sociaux accessibles, c’est en réalité un système financièrement hors de portée pour une large partie des personnes en difficulté, notamment celles qui doivent recourir à l’aide sociale. En effet, devenir coopérateur n’est ni simple, ni accessible à tous. Il faut adhérer à une coopérative existante (ou en créer une avec au moins sept personnes), s’inscrire sur une liste d’attente et espérer être retenu selon des critères internes propres à chaque coopérative. Et ce n’est pas
tout : pour obtenir un logement, il faut verser plusieurs milliers de francs pour l’acquisition des parts sociales, puis s’acquitter d’un loyer mensuel. À cela s’ajoutent une rente de superficie (5 % de la valeur du terrain, indexée), les intérêts d’un emprunt pouvant couvrir jusqu’à 95 % du coût de la construction, l’amortissement et les charges courantes.
L’État genevois construit déjà des logements sociaux via ses fondations de droit public. Avec l’IN 180, ces fondations se verraient directement concurrencées par des coopératives privées, en utilisant les mêmes ressources financières. Le fonds LUP, destiné à soutenir le développement des logements à loyers abordables comme les HBM, serait ainsi détourné au profit de structures plus opaques et moins efficaces.
Et tout cela, sans créer un seul logement supplémentaire. L’initiative viendrait simplement remplacer une offre aujourd’hui accessible aux classes moyennes et défavorisées au profit exclusif des coopératives.
Et si l’initiative est refusée ?
Un point capital est de rappeler que l’État favorise déjà les coopératives via notamment la mise en place d’un plan d’actions lancé en 2016 visant à leur « donner un coup d’accélérateur ». Les nombreux projets à venir, dont le plus important est le développement du périmètre Praille-Acacias-Vernets (PAV), prévoit de réserver 40 % des 12 000 logements prévus à des coopératives. Le développement des coopératives est donc déjà bien engagé, dans un cadre équilibré.
Conclusion : dire NON à une fausse bonne idée
L’IN 180 est excessive, déséquilibrée et contre-productive. Elle impose un modèle unique, coûteux et bureaucratique, qui ne correspond ni aux moyens financiers, ni aux attentes de la majorité des Genevois. Elle ne crée pas plus de logements, elle remplace des logements sociaux existants par d’autres, plus complexes et plus chers à gérer.
Nous avons besoin d’une politique du logement diversifiée, pragmatique et équitable. Pas d’un dogme rigide qui risquerait d’aggraver la crise au lieu de la résoudre.